Avant de regarder Prends ta Bible et Tire-toi, il vaut mieux être conscient du spectacle dans lequel on va se lancer car nous sommes ici dans de la bonne grosse série Z bien ringarde comme il faut et assumée comme tel. Ce genre de bobines qui ne ravira que les amateurs de cinéma bis de seconde zone sans le sou, les amateurs de films qui misent tout sur le système D au Royaume de la Bricole, les amateurs de films qui transpirent l’envie et l’amour du cinéma mais qui ont à peine le budget Kleenex d’une production Full Moon. Ce genre de films où toute l’équipe technique s’est autant amusé à le faire que l’amateur du genre à le regarder. Clairement, Prends ta Bible et Tire-Toi est un film à réserver aux amateurs de déconne cinématographique, aux amateurs de pantalonnades filmiques. Du coup, il sera ici chroniqué et noté en conséquences, pas pour ses qualités intrinsèques (quoi qu’elles seront malgré tout citées), mais pour ce qu’il est, pour le fun qu’il va procurer à qui va avoir envie de le découvrir en toute connaissance de cause. Et si vous aimez les bobines MacGuyver bien foutraques, alors il est fort probable que vous preniez du bon temps 1h03 durant devant Prends ta Bible et Tire-Toi.


Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est nécessaire de conter un peu la genèse plus que difficile du film. A la base, Prends ta Bible et Tire-Toi est un court métrage financé sur la plateforme de crowfunding française Ulule en 2009 mais qui n’arrivera pas à cause de soucis de budget et de problèmes dans l’équipe technique. Le jeune réalisateur Alexis Wawerka y injecte son propre argent afin de pouvoir mener à bien le tournage qui se déroulera principalement en septembre 2012. Mais là encore, il lui manque des fonds pour faire tout ce qu’il a en tête. Il continue petit à petit à y injecter son propre argent, lance un 2ème financement participatif sur Ulule (2000€) qui réussira, il tourne de nouvelles scènes en équipe réduite sur son temps libre, mais le public ne voit rien venir. Pourtant, Wawerka continue de travailler sur son film, fait de plus en plus d’ajouts, crée des séquences animées pour montrer des moments qui auraient couté trop cher à filmer et c’est 6 ans de post-production avec des amis sur leur temps libre qu’il faudra pour arriver à mettre en boite ce moyen métrage d’un peu plus d’une heure. Wawerka aura passé en tout 12 ans de sa vie dans ce film qui est pour lui « Une lettre d’amour aux films préférés de mon enfance ». Il rajoute que « C’était une longue aventure humaine faite avec amour et sans argent ». Et on veut bien le croire. Il est à noter que Alexis Wawerka a déjà d’autres courts métrages à son actif (certains dans l’anthologie Necrologies, 2018), et qu’il est également maquilleur. Il a par exemple travaillé sur Blood Reich, Blubberella et Auschwitz de Uwe Boll, Dossier Toroto et Les Insomniaques de Jean-Pierre Mocky, ou encore le très fun moyen métrage français Le Réserviste.


Nous sommes donc ici dans de la pure série Z qui ne se prend pas au sérieux. L’histoire se passe en Picardie, à Ham, un petit village quand même sacrément peuplé de ploucs à l’intelligence assez limitée, racistes, qui savent à peine parler pour certains. Ce petit village va être en proie en vrac à des extra-terrestres divers et variés, à des infectées et des zombies (oui, la différenciation est faite), un singe de l’espace chasseur de prime, un prêtre vaudou, une prostituée, des poivrots, … Avec son look volontairement grindhouse, Prends ta Bible et Tire-Toi va vite, il va même très vite. C’est parfois un peu fouillis, un peu décousu, mais c’est hystérique et ça amuse avec des moments complètement absurdes. Nous sommes ici dans un gros délire, comme c’est annoncé dès le titre du film. Malgré son budget famélique, Alexis Wawerka a réussi à s’entourer de têtes bien connues pour qui s’aventure dans ce cinéma qui sort des sentiers battus. On retrouve par exemple Jean-Claude Dreyfus (Delicatessen, La Cité des Enfants Perdus) en maire de cette charmante bourgade ; Lloyd Kaufman, le patron de la Troma, venu faire le couillon dans le rôle du président reptilien de la France balançant avec son accent américain des « Va te faire enculer » ; le réalisateur Jean-Pierre Mocky vient faire une apparition de quelques secondes dans le rôle d’un vieil acariâtre ; ou encore la scream-queen des années 80 Linnea Quigley (Le Retour des Morts Vivants, Douce Nuit Sanglante Nuit) dans son propre rôle qui tient un discours ironique sur sa carrière à cette époque. Alors le jeu d’acteur est ce qu’il est, souvent très amateur mais bien dans le ton du film, avec des figurants qui ont souvent le sourire aux lèvres et des premiers/seconds rôles qui semblent avant tout là pour s’amuser et balançant des répliques improbables du genre « Le curé mord les enfants de cœur… Vaut mieux ça que les baiser ».


Il suffira de s’y connaitre un minimum en cinéma horrifique pour remarquer des hommages au cinéma de Romero ou de Fulci, avec certains effets gores, certains plans, ou certaines musiques, qui renvoient à des films tels que Zombie, Le Jour des Morts Vivants ou encore L’Enfer des Morts Vivants ; mais aussi à Dellamorte Dellamore de Michelle Soavi et son gardien de cimetière, le Retour des Morts Vivants et bien d’autres. Les incrustations et SFX sont ce qu’ils sont, avec les moyens du bord. Autant les maquillages sont plutôt réussis pour un film de ce calibre, avec des effets gores rigolos, autant les CGI (à l’exception de la scène dans l’espace) sont plus « compliqués », avec des giclées de sang numérique ratées ou des incrustations pas toujours très heureuses (la scène avec Kaufman). Mais qu’importe au final, ce n’est pas bien grave car, comme on l’a déjà dit, on sait ce qu’on regarde et on ne peut qu’être indulgent car là n’est pas ce qu’on recherche. Car on sent l’envie du réalisateur, on sent qu’il y tient à son petit film délirant, rien que dans sa conception sans fin (punaise, 12 ans !), mais aussi dans le film en lui-même avec cette envie qui ressort de faire quelque chose de généreux pour l’amateur de Z, quelque chose de fun (malgré quelques gags un peu faciles) jusque dans le générique de fin nous donnant des nouvelles de ce que sont devenus les différents personnages. Alors non, clairement, ce n’est pas du grand cinéma et à aucun moment ça n’en a la prétention. Mais on s’amuse sans temps mort, on sourit de tous ces délires improbables, de ces personnages balançant des saloperies pour l’amour de la blague, de ces séquences animées qui tiennent vraiment la route. Le cinéphile risque de ne pas apprécier le spectacle, l’amateur de Z qui tâche en sortira le sourire aux lèvres.


Il faut aimer le cinéma bricolé avec trois bouts de ficelle pour apprécier Prends ta Bible et Tire-Toi et, clairement, ce film est à réserver à un public déjà presque conquis d’avance par la proposition. Et moi j’aime la série Z faite avec le cœur alors, forcément, j’ai adhéré au délire.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-prends-ta-bible-et-tire-toi-de-alexis-wawerka-2023/

cherycok
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le 4 oct. 2023

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