Le film se passe et a été tourné à Paris en 1994, durant la semaine (internationale) du prêt-à-porter. Unités de temps et de lieu, multiplicité des personnages et des intrigues, c'est le film choral type, genre qu'Altman a créé et dans lequel il s'est illustré avec Shortcuts (une merveille!), Nashville, Un Mariage, voire Kansas City.
Quoique le film soit moins réussi que les trois premiers précédemment cités, ce n'est pas le ratage total décrit par certains. On peut certes l'accuser d'être parfois bâclé et tourné à la va-vite (notamment tout le passage de la rencontre entre Jean-Pierre Cassel et Mastroianni qui culmine, dans un taxi bloqué par un bouchon à la Concorde, avec l'improbable mort du premier, puis l'invraisemblable saut dans la Seine du second), on peut se perdre un peu (pas tant que ça d'ailleurs) dans la multiplicité des intrigues. Il reste que le réalisateur réussit ce qu'il cherchait à faire : la mise en évidence du caractère frelaté, dérisoire, ridicule et hautement comique de ce milieu de la mode qui cependant, moteur et fer de lance de toute l'industrie textile mondiale, manie des millions d'euros ou de dollars, lesquels se jouent sur la longueur d'un ourlet ou le plissé d'une jupe.
Prêt-à-porter offre un défilé étourdissant de stars, du show-biz : Sophia Loren (impériale), Lauren Bacall, Anouk Aimée (intéressante), Kim Basinger, Julia Roberts, Rossy de Palma, Marcello et Chiara Mastroianni, Forest Whitaker (étonnant), Tim Robbins, Rupert Everett, Jean Rochefort, Jean-Pierre Cassel, Björk, Cher, Harry Belafonte... comme de la mode : Sonia Rykiel, talentueuse "momie" à crinière rousse, Jean-Paul Gaultier, tout aussi talentueux inventeur de la "vulgarité chic" (ou du "chic vulgaire"), Issey Miyake, Thierry Mugler, Christian Lacroix, Claude Montana (pour ne citer que les stylistes alors, 1994, au firmament de la mode), sans oublier Carla Bruni, Naomi Campbell, Claudia Schiffer et autres top models de ces années-là.
Vu près d'un quart de siècle plus tard, ce milieu mode-people paraît d'autant plus extrême, vain, vide, futile, dérisoire et tragi-comique qu'il s'est évidemment complètement démodé et que beaucoup de ces personnalités ont, d'une façon ou d'une autre, disparu corps et biens.
Altman s'est amusé à caricaturer un monde caricatural... et a pris un malin plaisir à souligner qu'on y marche dans la merde à tout moment. Ah ! Le romantique Paris des années 70-90 et ses trottoirs parsemés de crottes de chien ! Ah ! Ces magazines de mode prêts à tout pour s'attacher le "génial" photographe du moment (au sommet de la vague, cette saison) ! Ah ! Ces "sublimes" défilés de mode qui arrachent des cris d'admiration à tout ce que le monde in a de plus distingué et... qui paraissent si cons et laids vus vingt-trois ans plus tard. Ah ! Toutes ces rivalités, toutes ces trahisons, tous ces coups de génie éphémères, toutes ces gloires éphémères, tous ces styles, cette beauté éphémères, toute cette vanité, ce vent ! Quel cirque, mon dieu !
Prêt-à-porter n'est pas un film négligeable de Robert Altman. Il faut le voir. Le voir comme une satire un peu bâclée, oui, outrée, oui, MAIS étourdissante, cinglante, hilarante du monde de la mode, du paraître, de la sophistication, du chic, du fric, de la beauté à tout prix et... de tout ce que notre vie a d'éphémère et de superflu.