Chabat préfère la sympathie à la loufoquerie
Là, Éric Lartigau va en étonner plus d’un ! Surtout avec ses précédents films où il mettait en scène le duo Kad & Olivier dans Mais qui a tué Pamela Rose ? et Un ticket pour l’espace. Des films parodiques qui se lâchaient pleinement. Pour son troisième long-métrage donc, Lartigau fait équipe cette fois-ci avec un autre comique, lui aussi adepte de la bonne bouffonnerie, Alain Chabat. Ex-Nul et auteur de ce film, gentillet contre toute attente, vous allez voir !
Si l’on ne s’attendait pas spécialement à un film aussi barré que La Cité de la Peur, nous aurions pu avoir une comédie aussi dingue et hilarante que Didier (film de Chabat où lui-même jouait un chien transformé en être humain). Que nenni, Prête-moi ta main, c’est l’histoire d’un quadragénaire issu d’une famille féminine fort nombreuse (la mère, 5 sœurs), dont chacun le pousse à rencontrer des filles pour aller jusqu’au mariage, à son grand désarroi. Jusqu’à ce qu’il ait l’idée d’en payer une afin qu’elle se fasse passer pour sa fiancée qui le plaquerait sur l’autel de l’église. Et tout cela pour décourager ses proches. Sur le papier, l’ensemble aurait pu se montrer un brin assassin via de la répartie qui fuse. Eh ben non, Prête-moi ta main, c’est mignon tout plein. Jamais vraiment méchant.
Quelque part, il y a de quoi être déçu vu que le film ne se montre pas aussi fendard qu’il aurait pu être. Surtout avec cette fausse fiancée qui nous était présentée de manière ingrate dans la bande-annonce (sans gêne, crade, « très très détendue »). Avec ça, le film pouvait se montrer outrancier à souhait. Mais malheureusement, le scénario mise à fond sur le fait que cette femme est payée pour être comme ça, pas qu’elle soit ainsi dans la vraie vie. Du coup, Prête-moi ta main perd en effet comique et se reporte plutôt vers les bons sentiments. Mais attention, même là le film surprend !
Car à défaut d’être très drôle, Prête-moi ta main ne patauge pas non plus dans la guimauve. Le film sait se montrer rigolo quand il le veut. Notamment grâce au duo que forment Alain Chabat et Charlotte Gainsbourg, deux comédiens formidables. Le premier toujours aussi à l’aise dans ce genre de registre qu’est la comédie (qu’elle soit gentillette ou hystérique). La seconde qui se trouve à son aise dans ce style de film. Sans compter les quelques accrochages et dîners en famille que ces deux faux-tourtereaux vont vivre.
Mais comme je le disais, Prête-moi ta main flirte également avec l’émotion. Et c’est là que le film surprendra le plus, se montrant tout simplement touchant lors de certaines séquences. Avec, comme exemple, cette trame secondaire où l’héroïne, en parallèle de son « job de fiancée », tente d’adopter un enfant et dont le dénouement se montrera fort sympathique (surtout vis-à-vis de la part de son « époux »). Quelques petits moments de cet acabit, parsemés par-ci par-là font de Prête-moi ta main un film fort sympathique qu’il est plaisant de regarder. Qui apporte une bonne bouffée d’air frais face à ce cinéma qui aime la lourdinguerie (comédies américaines) et la violence à foison. Un peu de bons sentiments par petite dose, ça ne peut pas faire de mal !
Surtout quand la distribution du film se montre au top ! Le couple Chabat/Gainsbourg, c’est déjà fait, passons aux autres ! À commencer par la matriarche de ce G7 (la famille, pour être plus clair), interprétée par la regrettée Bernadette Laffont. Véritable mère poule adorable (et chiante aussi dans un sens), qui refait face à Charlotte Gainsbourg, 21 ans après cette dernière. Les retrouvailles se faisant sous l’impact de quelques répliques vachardes (sur l’héritage et tout), ce qui a de quoi régaler. Rien à redire également du côté des frangines, où l’on retrouve la délicieuse Louise Monot, qui faisait ici ses débuts au cinéma (plus exactement, il s’agit de sa 3ème participation à un long-métrage).
Si Prête-moi ta main n’est pas la comédie loufoque ou acérée qu’il aurait pu être, le film peut se vanter d’être fort sympathique et d’apporter une bonne fraîcheur pour ce qui est du divertissement en salles. Surtout grâce à ses comédiens, qui s’amusent comme ils veulent, tout en émouvant. Bien meilleur que d’autres ringardises comiques (sorties la même année) qui ont pourtant eu plus de succès que celui-ci (Les Bronzés 3, Camping même si, je l’avoue, j’ai bien aimé ce film).