L'odyssée de l'ennui
Imagine la scène d'ouverture de 2001, en mal réalisé, qui a tout dit après 12 minutes et qui te rappelle à ce moment qu'il en reste 75. Mal foutu, laid, vulgaire, répétitif... un calvaire!
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le 7 mars 2024
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Mais qu'est-ce que je viens de voir ?". Que vous soyez préparé ou non au visionnage de "Sasquatch Sunset", il y a de très fortes chances que vous vous posiez cette question à l'issue du générique de fin et c'est quelque part déjà une très bonne chose en soi.
Produit par Ari Aster, ce long-métrage de David & Nathan Zellner (également scénariste pour le premier, interprète du doyen Sasquatch pour le second) fait en effet partie de ces OFNI, de ces projets complètement fous, qui font figure de véritables bouffées d'air au milieu de bon nombre de bobines actuelles par leur audace et leurs partis pris radicaux. Imaginez-vous un peu suivre durant 1h30 les déambulations d'une petite tribu/famille nomade de Bigfoots pendant une année (découpée par ses quatre saisons) au sein d'une immense forêt américaine, et ce sans qu'aucun mot ne soit prononcé sinon leurs grognements parfois lourds de sens. Évidemment, ces quatres créatures mythiques vont épouser des traits plus ou moins explicitement humains, dans lesquels on pourra reconnaître un père abusif (et sans doute toxicomane) en la figure du mâle alpha du groupe, un être moins affirmé mais emporté par sa fougue et sa curiosité dans le rôle de son challenger, une figure féminine forte et protectrice via la seule représentante du sexe opposé et simplement la plus pure innocence enfantine affrontant les épreuves de la vie à travers les yeux du cadet.
Entre de magnifiques jaillissements d'humour absurde (le coup de la tortue haha !) et des pics d'une gravité touchant à la profondeur de drames existentiels, les pérégrinations de ces Bigfoots nous renvoient bien évidemment aux aléas de toute vie humaine, certes ici exprimés par des rudiments animaux où l'obsession pour la copulation et les fluides corporels tiennent une place prédominante (peut-être un peu trop, le film misant une grande partie de son décalage là-dessus) mais ce biais permet de rappeler nos plus bas instincts en vue de maintenir en permanence un magnifique ton tragi-comique inhérent à la simple notion de continuer à exister dans la tempête de la vie. Là où les grognements s'expriment constamment, "Sasquatch Sunset" laisse merveilleusement bien la place à une part d'interprétation pour que l'imagination humaine du spectateur assimile ses propres sentiments et préoccupations modernes au sein de la destinée de ces Bigfoots.
D'ailleurs, la trace de l'Homme lui-même se fera évidemment sentir sur la route de ses cousins poilus, de façon plus en plus progressive comme pour mieux signifier l'envahissement de son empreinte sur un milieu sauvage qui ne peut que s'y adapter sans broncher afin d'assurer sa survie. En sus de la découverte des rapports intrinsèques au groupe et du message environnemental qui découle de ce dernier point, ces confrontations à des marques de la civilisation moderne donneront sans doute ses plus belles séquences à "Sasquatch Sunset" (le film se termine sur une idée parfaite en ce sens mais la phase du "campement" sans trop en dire se pose en sommet du film, quelle mise en scène, montage et yeux de Riley Keough où un flot d'émotions incommensurable passe derrière le latex encombrant !).
Superbement emballé en termes de réalisation (cela donne furieusement envie de (re)plonger dans la filmographie des frères Zellner), photographie (signée par le décidément talentueux Mike Gioulakis) musique (The Octopus Projet sublime le projet de sa partition) et interprétation (vraiment, le quatuor d'acteurs est aussi fou que le film, respect à eux), "Sasquatch Sunset" offre réellement une expérience unique en son genre, imparfaite peut-être si vous n'adhèrez pas à toutes ses composantes (comiques notamment), mais, pour notre part, il faut bien avouer qu'en prenant le temps de la digérer (en compagnie d'une écoute de sa bande originale), celle-ci continue de nous poursuivre bien des heures après son visionnage, nous redonnant sans mal envie d'y replonger dans un futur proche. Si on nous avait dit un jour que la tragi-comédie de l'existence serait si bien résumée en passant 1h30 en compagnie d'un clan de Bigfoots, on ne l'aurait jamais cru.
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le 15 mai 2024
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