Les âmes vagues
Comme si à 45 ans et après plus de 30 longs-métrages il ressentait le besoin de faire le point entre son œuvre passée et celle à venir, Ozu fait soudain appel à son vieux compagnon le scénariste Kogo...
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le 6 avr. 2017
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Sublime.
Je l'avais trouvé en sous titré anglais, j'avais pas regardé et maintenant qu'il est sur arte, j'avais la hype. Mais j'avais peur ne pas aimer, je savais juste que la mise en scène était sobre, peur de m'ennuyer.
D'autant que ça commençait moyennement bien, sans ennui dans les premières minutes j'avais du mal à voir qui était qui, je voyais pas la trame venir. C'est venu petit à petit, pendant que je trempais mes crackitos dans mon thé.
La première scène qui m'a marqué c'est celle du théâtre. Elle dure longtemps, on les regarde regarder, ils ont ensemble, on regarde le spectacle avec eux, on finit par oublier la pression du mariage qui pèse sur la fille mais le père à un échange de regarde avec une femme, la fille se rappelle, elle n'est plus plongée dans le théâtre. Donc remontrer le théâtre après ça n'a plus du tout le même sens. Le père semble ne pas remarquer. Pour la première fois, un peu d'empathie survient, on connait tous ce sentiment se s'être fait arraché un bon moment par le rappel d'une obligation quelconque.
La scène juste après lance la seconde partie du film, la père semble totalement à l'ouest, elle est seule dans sa souffrance.
Par la suite le rappel du mariage devient vraiment chiant, on lui dit tout le temps, même son amie, on comprend par ses regards qu'elle ne veut pas le quitter égoïstement. Chaque scène est magistrale, le père qui ramasse son verre après s'être confronté à sa fille. A ce moment on voit que lui aussi souffre de la situation, ce n'est pas un vieux sénile, il dégage une force mature, il sait que sa fille doit se marier, c'est mieux pour elle. Que se soit par patriarcat, tradition qu'importe, il incarne le père.
En vrac les autres moments vraiment terribles : le sourire de la tante quand la file lui dit qu'elle va accepter le mariage, le dernier dialogue du père qui parle enfin et s'explique (Zarathoustra !) quand il se demande pourquoi ils n'ont pas voyagé ensemble plus souvent, c'est tellement triste, il y a toute la retenue et la pudeur japonaise mais on sent l'amour et la tendresse entre eux, les regrets. Il y aussi l'ultime adieu lors du mariage, une déclaration d'amour familiale.
Dans toutes ses scènes, la sobriété confère la puissance. Il n'y a rien de surjoué, tout est crédible, ce jeu et la mise en scène qui montre les visages mais aussi les intérieurs des maisons laisse de la place au spectateur qui peut investir le plan et l'histoire. Vu que tout est lent, il y a vraiment un aspect de contemplation des visages, des costumes, des décors. Tout semble si réel.
Ce que je trouve vraiment dingue c'est de partir d'une situation si éloignée de ce que je connais, si spécifique (une histoire de mariage plus ou moins forcée, du côté d'une fille, qui abandonne sa seule famille) et de tendre vers l'universel en évoquant certains souvenirs mais surtout c'était de la vraie empathie, un partage des souffrances de la fille.
Ainsi après avoir pleuré pendant peut-être une heure, les vrais sanglots arrivent aux derniers plans. Le père revient seul, et on sait ce qui va se passer : la solitude, le voir éplucher cette pomme est un dernier coup qui vient finir de m'abattre. Car il n'y aura plus d'autres fois, l'éternel retour n'existe pas, plus de théâtre, plus de voyage, plus d'amour, plus de vie.
(le dernier plan sur la mer je sais pas trop quoi en penser, d'un côté j'ai beaucoup aimé, on garde l'émotion de la scène d'avant mais on peut la porter sur n'importe quoi, on dépasse le film. Mais en même temps on s'éloigne de la matérialité de l'histoire qu'on vient de voir)
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Créée
le 16 nov. 2023
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