Priscilla
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Priscilla

Film de Sofia Coppola (2023)

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Une histoire aussi trouble que fascinante et d'excellents acteurs.

On est embarqué dès les premières minutes dans ce retour vers les années 70 magnifiquement rendues par le soin apporté à chaque détail.

La face obscure d’Elvis est révélée avec humanité et lucidité, et si le King est ici tristement détrôné, son errance intérieure éclaire ses extravagances.

Au début du film l’homme est détestable, abusant de son charme et de son charisme pour manipuler une gamine émerveillée par le personnage. Lui est attiré par la jeunesse et la candeur de l’adolescente mais aussi par sa vie rangée et « normale », une vie si différente de la sienne. A 24 ans il est déjà une star, une idole, entièrement centré sur lui-même, ses envies et ses besoins, jusqu’à mettre sous son emprise ladite gamine tombée follement amoureuse de lui.

Il la tient au bout de sa laisse, souffle le chaud et le froid, lui prodigue quelques moments tendres et des paroles pleines de douceur entre deux éclats de violence, uniquement verbale dans un premier temps. Elle est sa chose et elle accepte de l’être dans l’espoir de recevoir davantage d’amour et de considération à force de docilité. Mais en réalité elle existe de moins en moins à ses yeux, il n'éprouve aucun désir pour elle et elle doit se contenter de quelques rares instants de complicité où on la sent presque heureuse pour un temps. A d’autres moments elle a conscience de la situation malsaine et frustrante qui lui est imposée et se rebiffe alors, mais elle retombe vite dans ses bras quand il lui susurre quelques mots tendres auxquels elle veut croire. Elle l’aime jusqu’à lui obéir parfaitement en absorbant les drogues qu’il lui propose, en jouant à ses côtés le jeu de la célébrité, en l’attendant pendant de longues périodes d’ennui alors qu’il est en tournée ou en tournage de film, elle renonce à elle-même tant elle est en dépendance affective et en attente de son amour.

Et puis ce King détrôné, de détestable devient odieux, parfois violent physiquement. Mais dans le même temps ses tourments et sa folie apparaissent de plus en plus clairement, un enfer dans lequel il se débat tout en y sombrant chaque jour davantage. On finit même par ressentir de la compassion pour cet homme en souffrance qui cherche désespérément une vraie raison de vivre et un sens à sa vie.

L’ennui et le vide ressenti tout au long du film par sa jeune compagne est le reflet du vide de sa vie à lui, noyé dans la drogue, les paillettes, la gloire, les copains, les conquêtes, le succès …

Un homme brisé de l’intérieur et bien incapable d’aimer, et une femme qui ne sait aimer sans s’aliéner dans cet amour, voilà une fois encore deux névroses qui se rencontrent.

Bien sûr le récit passe par le filtre du regard et du ressenti de Priscilla mais peu importe au fond, un rêve d’amour magnifique qui se transforme en une triste histoire de vie est une chose assez courante qui parle à bien des couples.

Il reste que le tout est merveilleusement raconté, filmé et interprété, un beau moment de cinéma.

cinecole
8
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Créée

le 17 janv. 2024

Modifiée

le 16 janv. 2024

Critique lue 479 fois

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cinécole

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