De la viande sur les murs, et puis pas grand-chose d’autre. Et si c’était cela, la clé d’une série B à succès ? Ne rien promettre d’autre que le plaisir primal de l’hémoglobine, le frisson bête de la tripaille, le festival débridé du ketchup ? Projet Wolf Hunting fait en tout cas l’économie d’un scénario, pour aller à la moëlle - que le film éparpille d’ailleurs joyeusement.
Alors, certes, il y a bien, sur le papier, une histoire. L’extradition de détenus ultra-dangereux des Philippines vers la Corée du Sud à bord d’un navire-cargo dans les entrailles duquel repose une sorte de créature de Frankenstein qui veut dézinguer tout le monde. Mais l’histoire tient plus du prétexte. La preuve : elle a la bêtise de convoquer la Seconde Guerre mondiale comme on agite un vieux croque-mitaine un peu rance. Signe que, vraiment, les scénaristes ont lâché la rampe pour laisser au département hémoglobine les pleines commandes.
Il y a encore quelques années, le long-métrage de Kim Hong-seon n’aurait sans doute pas été distribué dans les salles françaises, pour s’échouer dans les bacs dématérialisés des sorties « direct to video ». Ou son existence même ne nous serait pas parvenue. Mais voilà, la K-pop, Parasite et Squid Game sont passés par là. La Corée fait vendre. Le public français est donc désormais fondé à découvrir sur grand écran qu’à côté de la Nouvelle Vague coréenne et de ses grands noms (Bong Joon-ho, Park Chan-wook), fourmille une myriade de films de genre à la qualité discutable, mais qui ont pour eux une générosité indéniable quand il s’agit de mettre en spectacle la violence.
Pur jeu de massacre où chaque personnage est denrée périssable, Projet Wolf Hunting se savoure comme tel. C’est une réjouissante débilité qui tache, un opéra d’os brisés, de viscères répandues, et de sang versé (la communication du film s’est d’ailleurs axée sur la quantité record de fausse hémoglobine mobilisée sur le tournage) - bref, une ode à l’artisanat du cinéma, aux maquilleurs et techniciens. On regrettera presque que le film ait les moyens de ses ambitions. Un budget plus restreint aurait forcé à encore davantage de débrouille et de créativité. Las, Projet Wolf Hunting finit par nous embourber après presque deux heures à patauger dans son magma sanglant. C’est peut-être ce qui lui manque pour être une grande série B: la force de savoir quand s’arrêter.