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Alors que le cinéma parlant débarque et écrase toute concurrence, Chester Kent, réalisateur de spectacles musicaux, se voit contraint de changer de voie. Il a alors l’idée de créer des prologues, des...
le 26 juil. 2018
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« Hollywood, Californie – Les producteurs annoncent qu’ils ne tourneront plus que des films parlants, c’est la fin du cinéma muet. » Prologues s’ouvre sur le plan d’un affichage montrant ce message qui pose le décor du film : la fin d’une ère, une époque de bouleversements, une page qui se tourne. Au début des années 30, le monde entier tente d’absorber le choc de la crise de 1929, et l’arrivée du Vitaphone vint changer à jamais le visage du cinéma. Une époque difficile pour les stars du cinéma muet, mais aussi pour les acteurs du monde du spectacle.
Chester Kent est de ceux-ci. Monteur de spectacles de music-hall, de ceux qui montaient ces spectacles « vivants » avec musique, couleurs et paroles, doit affronter la concurrence destructrice du cinéma parlant, autrefois dépourvu de paroles et aujourd’hui capable d’associer celles-ci aux images, et de jouer sur le même terrain que les spectacles de music-hall, le tout à un prix bien moindre. L’annonce du début du film semblait également s’appliquer au music-hall, en passe de tomber en désuétude, mais Chester Kent, joué par l’incroyable James Cagney, ne l’entend pas de cet oreille. L’homme, toujours enthousiaste, plein d’idées en tête, inarrêtable, veut montrer que le music-hall, plus que de tomber dans le piège d’une concurrence dont il ne peut que sortir perdant, peut s’associer au cinéma et montrer sa capacité à continuer à faire rêver un public friand de spectacles bigarrés et heureux.
A travers la première partie du film, qui montre le travail acharné de Chester Kent visant à mettre en scène ces fameux « prologues », s’exposent diverses thématiques, d’abord historiques, comme le passage du cinéma muet au cinéma parlant, la volonté de survie des artisans des spectacles « traditionnels », mais aussi des thématiques plus humaines et sociales, comme la mise en avant d’un visionnaire, un homme guidé par une lumière qui a surgi devant lui presque par miracle. L’histoire de ce personnage peut rappeler, dans une certaine mesure, celles de personnages comme celui de Charles Foster Kane dans Citizen Kane (1942), mais aussi celles d’homme comme Steve Jobs ou Mark Zuckerberg. Ne vivant que pour et par son travail, il représente à lui seul la rupture entre une époque et une autre. Il est à la fois le défenseur d’une industrie en perte de vitesse et tombant en désuétude, mais aussi le porte-étendard d’un mouvement qui va la moderniser et l’associer au cinéma pour créer les premières bandes-annonce vivantes distribuées en masse.
A l’échelle du film, et à propos de sa place dans l’histoire du cinéma, Prologues figure parmi les premières grandes comédies musicales portées sur grand écran, avec trois spectacles superbement mis en scène par Busby Berkeley, dans la seconde partie du film. Juste après 42nd Street, il vient apporter ce vent de fraîcheur, de candeur et de folie alors que le cinéma commençait à peine à parler. C’est d’ailleurs tout le symbole de la vitesse à laquelle les événements se sont succédés : à peine le cinéma pouvait-il parler, que déjà il chantait, comme les spectateurs purent le découvrir avec Le Chanteur de Jazz en 1927. Ici, au-delà d’en faire un classique de la comédie musicale, le réalisateur du film associe la beauté, le lyrisme, la candeur et la poésie du cinéma muet aux nouvelles possibilités offertes par le cinéma parlant. Prologues montre, ainsi, à travers son histoire, la rupture entre deux époques et la mutation du cinéma, et, à travers son existence, la représente.
Prologues offre une centaine de minutes empreintes de frénésie, d’espoir, d’enthousiasme et d’audace, éclatant dans un bouquet final spectaculaire où les fameux prologues se déroulent devant nos yeux émerveillés. Le film ne fait ni la nostalgie du cinéma muet, ni le procès du cinéma parlant. Il ouvre la voie des futures grandes comédies musicales, déborde d’énergie, transporte son spectateur, qui accompagne des personnages hauts en couleur joués par un casting légendaire, James Cagney en tête. L’acteur, déjà révélé dans son rôle de gangster impitoyable dans L’Ennemi Public (1931), devient ici aussi danseur et chanteur, et montre toute l’étendue de son talent et de sa classe. Légendaire.
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le 21 nov. 2017
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