Couleurs d'un conte moral

Attention ! Cette critique contient des spoilers.

Je suis sortie du cinéma avec une nostalgie bienheureuse que je n'ai pas vécue. L'esthétique du film, cette merveilleuse façon de donner une auréole à Cassie, l'enfant blonde, ces costumes à froufrous qui semblent sortis d'un film de famille tourné pendant des vacances estivales, de nouveau Cassie qui change de tenue comme on change la parure d'une poupée Barbie géante, ces si jolies couleurs, voilà ce qui persiste après que mon moment de réflexion à chaud soit passé. Les effets clips sont mes péchés mignons, et j'étais bien fière de moi de reconnaître certaines chansons, même remixées.

J'avais pourtant trouvé à ce film un creux dans le rythme au milieu, quand l'espoir d'un amour heureux était encore palpable (je n'avais naïvement pas voulu voir venir la nouvelle effondrante de l'implication du petit-ami dans le cauchemar qui hante Cassie). Après coup, je me suis posé la question du sens de la démarche de Cassie. Je me disais que sa vengeance par attaques ciblées, au fil des semaines, était bien vaine. Avec le recul, je me dis que ce n'est peut-être pas inutile en temps que tel (un homme choqué par une mauvaise expérience avec elle se comportera-t-il mieux à l'avenir ? Sera-t-il d'autant plus déterminé à fermer les yeux sur ses actions dégoûtantes, en se cachant sous son idée que les femmes sont méchantes ? Ou bien cette action de Cassie aura-t-elle un réel impact sur lui, mis à part la satisfaction temporaire de Cassie ?), mais qu'elle est sans doute inutile pour l'héroïne, la vengeance n'étant pas toujours facteur d'apaisement. Après toutes ces années, ces pièges font peut-être partie de sa routine, et c'est peut-être pour cela qu'elle n'est pas lassée et qu'elle y trouve toujours un intérêt et une manière d'améliorer le monde.

La manière dont est délivré l'argument féministe du film est un peu étrange. Donner de très grosses leçons à des agresseurs, est-ce féministe ? Peut-être que oui ou que non, ce n'est pas le sujet qui m'intéresse. Cassie est évidemment superbement interprétée par Carey Mulligan. Elle porte le film sur ses épaules, et le personnage du petit-ami l'aide un peu. Je n'ai rien à redire sur la pensée féministe globale du film et j'approuve totalement cette dénonciation (oui, la culture du viol existe, oui, tout le monde sait et tout le monde se tait), mais j'ai trouvé que pas mal de phrases avaient l'air de sortir d'un guide de la parfaite féministe, cela semblait... calculé ? Je veux dire, évidemment que les dialogues et les punchlines sont calculées dans la plupart des films, mais j'ai trouvé que certains plans étaient faits pour qu'on les cite partout, pas très subtilement, comme cette réplique sur "le pire cauchemar d'un homme est d'être accusé d'agression et celui d'une femme est plutôt de subir, voire de mourir d'une agression" et pour qu'ils se retrouvent sur Tumblr.

Ce n'est pas une si mauvaise chose. J'apprécie Tumblr, et je reconnais ses bienfaits. J'ai juste l'impression que ce film prêchait des personnes déjà convaincues, et je ne sais pas s'il a réussi à sortir de ce cercle de personnes pour aller s'adresser à d'autres gens moins militants.