Au plus près de son étoile
Toujours placée au plus près de l’humain, la caméra d’Alice Winocour ne quitte pas une seconde son duo de tête, et là où la déchirure tragique occupe d’ordinaire une scène ou deux aux effets...
le 27 nov. 2019
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Elle a toujours su qu’elle voulait devenir astronaute, depuis son enfance en fait, depuis ses huit ans, la tête toujours dans les étoiles, pleine de rêve de lune et de galaxies lointaines. Aujourd’hui Sarah a concrétisé ce devenir, elle qui s’apprête à quitter la Terre pour une mission d’un an dans l’espace en vue d’une future expédition vers Mars. Mais ce couronnement à sa carrière a aussi son revers : laisser, "abandonner" sa fille de huit ans à la réalité terrestre (et, accessoirement, à son père avec qui Sarah est séparée). Il y a donc deux enjeux, une double narration dans Proxima : la préparation pour la mission et la préparation pour la séparation, la plus dure se révélant celle à laquelle Sarah n’était pas forcément préparée.
La préparation n’est pas que corporelle, elle est aussi psychologique : prendre confiance, savoir se dépasser, créer un esprit d’équipe, anticiper l’éloignement avec les siens… Après Interstellar, Gravity ou plus récemment Ad astra, Alice Winocour mêle à son tour la promesse de l’infiniment grand au dérèglement de l’intime et de la famille, mais sans la lourdeur intergalactique des trois machins suscités. Winocour vise plutôt une émotion élémentaire, humble, voire poétique, à la Solaris (toutes proportions gardées), et un aspect documentaire et détaché à la First man (mais qu’on pourra trouver ici trop poussé, trop affirmé, et ce au détriment d’un vrai parti-pris visuel).
Même la belle musique planante de Ryuichi Sakamoto se fait discrète, ne cherchant jamais à prendre le pas sur nos ressentis et sur la lisibilité des événements. Winocour détaille avec précision (elle a eu libre accès au centre des astronautes de Cologne, à la Cité des étoiles de Moscou et au Cosmodrome de Baïkonour) toutes les phases de préparation et d’entraînement de ces femmes et de ces hommes prêts pour le plus extraordinaire des voyages. Elle évoque aussi cet univers essentiellement masculin où les capacités (principalement physiques) de Sarah sont implicitement sous-estimées, remises en question. Où Sarah doit, plus que tous les autres (les autres hommes, puisqu’elle est la seule femme à participer à la mission), prouver qu’elle est compétente et pas "uniquement" une femme, une mère, ou même une "bonne cuisinière" (comme le suggère Mike, le chef de mission).
Mais c’est bien la relation mise à mal entre Sarah (Eva Green, investie, impériale, immanquable) et Stella, sa fille, qui demeure le point central du film et que Winocour traite sans fioriture ni pathos ni tricherie (montrer aussi ce sentiment d’amertume, cette sensation de dépit qu’elle créé et qu’elle laisse). L’escapade finale de la mère et de la fille prendra alors valeur de catharsis, d’acceptation et de réconciliation, escapade sans doute infaisable dans la réalité, mais d’une touchante simplicité. À l’image finalement d’un film qui refuse tout spectaculaire pour mieux observer l’amour maternel face à l’épreuve du vide, celui de l’espace comme celui laissé entre les bras.
Créée
le 2 déc. 2019
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