Quand les flingues font de la géopolitique...

Quelle déception... Alors que ma découverte récente des deux premières saison de la série fut une expérience grisante autant sur le plan de l'animation que sur les propos abordés au sein de cet univers cyberpunk dystopique, c'était alors avec entrain que je me lançais dans le visionnage de Psycho-Pass: le film ! Adapter une série en film, en voilà un exercice compliqué. Il faut savoir contenter les fans, accommodé à l'univers, que les néophytes. On va pas tourner autour du pot, alors que le film va introduire les enjeux à ces derniers, il le fait de manière bien trop succinct pour qu'ils puissent espérer comprendre quoi que ce soit des enjeux et du scénario. Bon, le parti pris de ne parler qu'aux habitués est un premier choix discutable, mais passons... Si c'est encore pour enrichir son univers, pourquoi pas. Et quel échec monumental ! On se retrouve ici sur un film qui va de révolution du peuple en complot politique sans aucune originalité. L'accent, comme dans la saison 2 de la série, est plutôt mise sur l'action, mais vu que le scénario est d'un manque d'originalité en plus d'être d'un ennui, aucune scène de baston, pourtant bien animée il faut le reconnaitre, ne viendra nous sortir de notre torpeur dans lequel le film nous a installé sur ces deux heures de récit qui aurait pu franchement être divisé par deux.

L'amorce était pourtant séduisante. Il est dit dans la série que seul le système Sybil a réussit à maintenir en place uniquement le Japon (dont le système est originaire) en tant pays lors d'un évènement (dont on ne sait rien) qui aurait mis à mal tous les gouvernements du monde entier (une petite crise climatique au hasard ?). Sans faire la lumière sur cet évènement, le film fait alors le paris audacieux de nous raconter l'histoire de ce système judiciaire qui va s'exporter dans les pays d'Asie du sud-est afin d'y apporter la paix. C'est intéressant tiens ça comme idée, de critiquer pourquoi pas l'hégémonie d'un pays comme étant souverain sur les autres par l'exportation d'un produit, ici qui plus est, la pierre angulaire d'un nouveau système judiciaire et exécutif, rien que ça ! Mais s'il s'agit du point de départ du récit, jamais le film n'explorera cette thématique et préfèrera se concentrer sur le conflit d'une milice populaire contre le pouvoir en place au sein d'un pays en reconstruction. Quel manque d'audace ! D'autant plus que le seul personnage de la série qui aura un temps d'apparition important à l'écran sera l'héroïne, qui par de multiple péripétie va rencontrer son acolyte ayant adopté une vie de renégat depuis la fin de la première saison. Bon... ok. Mais même là, le film n'ira même pas approfondir la relation entre ces deux personnages ! Mais quel choix douteux !

Bref, je vais pas m'étendre plus là-dessus, mais au niveau de l'écriture, tout est à jeter. Une errance qui aurait pu être pardonnée si le style visuel en valait la peine. Mais là aussi, que de choix discutable ! Je reconnais que l'animation est toujours aussi fluide, et le format du long-métrage permet à la production de rajouter plus de profondeur, d'effets de lumières et un peu de relief. Le trait des personnages gagnent en détails également et les effets 3D pour les méchas sont de bonnes facture. Mais la composition des plan est gâchée par des décors immonde ! Eux aussi, ces décors sont fait en 3D, pas de problème, mais on été affublés de textures franchement dégueulasse, je n'ai pas d'autres mots. Soit c'est rouillé, soit c'est flou, soit c'est carrément crénelé ! C'est du niveau de la Playstation 2 ! Mais pourquoi ont-ils fait ce choix alors même que ce n'est pas dans la série ? Les animateurs se seraient-ils sentis trop ambitieux ? C'est encore plus discutable quand pourtant, comme dit plus tôt, les méchas sont aussi en 3D, mais sont eux affublés de textures en Cel Shading de bonne facture. Mais quel manque de cohérence visuel ! Je ne m'attendais évidemment pas à voir du Mamoru Oshii, mais là quand même c'est de mauvais goût, on ne peux même pas profiter pleinement des personnages qui sont quand à eux, je le rappelle, magnifiquement dessinés. Même si le chara-design des personnages introduit dans ce film est franchement peu inspiré.

J'apprécie l'effort cela dit de vouloir rajouter un peu de cohérence dans les dialogues entre les personnages japonais et étrangers qui parlent en anglais et que le film nous expliquera que les passages sont doublés en japonais parce que les personnages sont équipés d'un traducteur automatique. Fort bien, sauf qu'une bonne partie du film les anglophones parlent entre eux, ou bien l'un des personnages n'a pas l'équipement nécessaire pour la traduction et donc va malgré tout parler en anglais. Bon... Ce qui ne serait évidemment pas un si gros problème si on ne devais pas se farcir l'accent risible des acteurs japonais dans un anglais très approximatifs. J'aurai apprécié l'effort si ce cas de figure n'était arrivé qu'une fois ou deux, mais ici, ça arrive pendant une grosse partie du film.

Bref, je passerai outre mesure également le recyclage des musiques de la série qui font toujours leur office et soulignent toujours aussi bien l'action à l'écran pour en arriver au constat final. Psycho-Pass, le film se révèle avoir tous les défauts des films d'exploitation de série de japanimation. Un manque de consistance avec son univers, une absence d'enjeux, des personnages qui n'évoluent pas, une intrigue peu originale et des péripéties inintéressantes. Pourtant, seul le dernier point suffirait à faire un film à minima "divertissant" (c'est dire comme on serait prêt à baisser ses exigences...). A sa conclusion, le film relayera même Kogami, personnage iconique et principal de la première saison en second couteau utile. Quelle indignité... Au regard de tout cela, je déconseille vivement le visionnage de ce film, et ce même si vous aimez la série. Gageons que les prochaines saisons rattrapent le coup.