Parfois il faut s'y prendre à plusieurs reprises pour voir ce qu'une œuvre a dans le ventre. Surtout quand celle ci est sur-vendue, associée à une pléiade d'hommages et parodies diverses et variées. J'ai vu Psychose pour la première fois il y a une dizaine d'années, mes gouts n'étaient pas les mêmes, j'attendais peut être autre chose, toujours est-il que je l'ai rangé dans la terrifiante case du neutre, de l'indifférence là où bon nombre de films se noient dans un flot quotidien d'informations inutiles, un sort peut être moins envieux encore que ceux qui nous ont agacé.
Ce matin cependant, j'ai décidé de lui tendre une main salvatrice et de le repêcher à la surface. J'ai bien dû voir un bon millier de films depuis, il y avait de quoi être blasé, je partais avec un a priori négatif, tout était réuni pour me faire passer un moment exécrable qui confirmerait mon avis d'adolescent rebelle de l'époque, et pourtant...

J'ai vu d'un oeil plus éclairé tout ce que le film avait à offrir et pourquoi il a tant marqué les esprits même 54 ans après sa sortie. Vous savez cette sorte d’alchimie inégalable dans laquelle chacune des décisions prises fut la la plus judicieuse. Cette mise en scène inventive de ce vieux filou d'Hitchcock optant de prime abord pour un noir et blanc dans le but de faire des économies qui se trouve être une brillante idée offrant un rendu nettement plus oppressant au final, ce casting relativement inconnu choisi avec soin pour éviter les différents soucis avec les méga stars de l'époque qui se révéla être le point le plus culminant de sa toile peinte avec un soin hallucinant. Cette précision absolue dans chaque plan, cette musique qui en quelques notes nous renvoie des décennies de cinéma en plein visage, présent sur absolument toutes les parcelles de son protégé, le Maître fait parler l"expérience d'une carrière immense et on l'écoute. C'est après une première demie heure de film intrigante voir malsaine que le mythique panneau indiquant "Bates Motel " laisse apparaitre sa lueur lors d'une nuit pluvieuse, la force des très grands, c'est de pouvoir vous émouvoir, vous faire rire aux éclats ou dans le cas ici présent vous nouer la gorge même quand vous savez ce qui se prépare. Et puis Norman Bates alias Anthony Perkinks débarque et c'est le début de la leçon tantôt charmeur, timide ou colérique. Il passe d'un état à l'autre avec une aisance démesurée tellement loin des caricatures qui s'essaieront au même registre par la suite à coup de sourcils surélevés et de regards ténébreux à l'excès.

Psychose est un petit bijou hypnotique, sous son fond enveloppé dans un drame oedipien dérangeant et facsinant la forme peut se laisser aller à toutes les fantaisies en atomisant les codes du genre sans pour autant jamais être décousu. Le cinéma n'est jamais plus beau que quand il vous donne tort et je ne suis pas prêt de l'oublier.

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