Pueblo
Pueblo

Court-métrage de Elena Lopez Riera (2015)

Le 29 mars 2023, sortira le très attendu « El Agua », d’Elena López Riera, déjà remarquée pour son documentaire « Los que desean » (2019) (« Ceux qui désirent »), consacré à un rituel attaché à la colombiculture dans sa province d’origine, Alicante. Née en 1982 à Orihuela, c’est dans cette ville chargée d’histoire, aux nombreuses églises, qu’elle tourne, en 2015, « Pueblo », qui signifie à la fois « peuple » et « village », en espagnol.

Sur un scénario écrit par elle-même et par son principal acteur, également co-producteur, Rafa Alberola Rubio, qui conserve d’ailleurs son prénom dans cette fiction, elle imagine le retour de ce jeune homme dans sa ville d’origine, noyée de nuit. Loin de l’image populaire d’un sud de l’Espagne baigné de soleil, tout est nimbé de mystère, dévoré d’obscurité, devenu ombre : ombre, le « peuple » qui envahit les premiers plans, marchant mécaniquement et silencieusement dans une même direction ; ombre, Rafa, qui se perd dans sa ville, croisant de loin en loin d’anciens copains qu’il retrouve sans enthousiasme ni conviction ; ombre, la procession religieuse que Rafa croise et recroise au fil de son errance et pour le passage de laquelle il semble que l’éclairage urbain ait été délibérément éteint ; ombre, le terrain de basket aux gradins vides sur lequel jouent brièvement les deux amis retrouvés, jusqu’à ce que Rafa se lasse.

Même le lever du jour, après cette nuit de déambulation, puis les images de quelques amis se retrouvant silencieusement dans un café ou les vues sur le « peuple » assemblé afin d’assister à la poursuite des cérémonies religieuses ne sauront dissiper cette impression d’une vie fantomatique.

Dès 2015, la réalisatrice espagnole affirmait ainsi puissamment le brouillage des lignes entre vivants et fantômes, entre les différents niveaux d’existence, et faisait de la notion rassurante de « peuple » l’incarnation inquiétante d’une forme vague et mal définie. Sans toutefois avoir besoin de verser dans le fantastique, et grâce à la caméra nyctalope de Giuseppe Truppi, elle pulvérisait le mythe du « retour » induit par la nostalgie, ce « mal du retour », et, réécrivant à l’envers la grande aventure d’Ulysse revenant à Ithaque, elle manifeste hautement, en moins d’une demi-heure, l’impossibilité du retour, l’impossibilité de se retrouver à nouveau « chez soi », parmi son « peuple », dans le village qu’on a choisi de quitter.

AnneSchneider
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le 17 juil. 2022

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Anne Schneider

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