Dédale & hilares
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le 13 mars 2016
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La bande-son de Pulp Fiction symbolise sans doute une grande partie de ce que les détracteurs du film ont pu reprocher à Tarantino, au moins dans la première partie de sa carrière. Cette B.O. est maligne, quasi parfaite en terme d'accompagnement, baignant certaines scènes d'un charme fou, mais n'est pas pour autant une bande originale au sens premier. Même si presque tous les morceaux qui la composent ont été exhumé par la grâce d'un compilateur de talent (chansons dont une grande majorité de spectateurs ignoraient l'existence avant de les entendre dans le métrage), rien n'a été inventé ni créé pour le film.
Le parallèle entre cette compilation habile et le travail du cinéaste a donc été tout naturellement dressé par tous ceux qui n'ont vu dans la palme d'or 1994 qu'un gigantesque brassage d'influences aléatoirement digérées. L’œuvre, comme son OST, ne serait qu'une série de morceaux choisis, plus ou moins bien sélectionnés et assemblés, selon que l'on ait ou non goûté au résultat final. Chacun à minima, reconnaissant la culture gargantuesque du réalisateur, capable comme peu d'autres de mélanger séries Z poisseuses, plans bisseux iconoclastes et classiques reconnus.
Au fond, on a longtemps reproché à Tarantino un talent pour l'entourloupe masquant l'absence de celui consistant à trouver sa voix propre. On regrette alors une déstructuration du récit que l'on juge artificielle et uniquement utilisée pour dissimuler la simplicité globale du tableau. On soupçonne la présence des longs dialogues, déjà constatés dans Reservoir Dogs, que comme autant d'écrans de fumée propres à dissimuler l'absence véritable de discours.
Toutes ces réserves sont bien entendu recevables (voire légèrement fondées) mais ceux qui les émettent passent à côté du truc essentiel. Cette chose tient dans la fameuse réponse "because it's so much fun, jan! Get it !" d'un Quentin un peu exaspéré en milieu d'interview.
Dans ses quatre premiers films (même si on peut mettre Jackie Brown un peu de côté, et plutôt annonciateur de la suite de sa carrière), Quentin s'amuse comme un petit fou, et pioche comme un gamin (à tendance légèrement diabétique) turbulent et surexcité dans tous les paquets de bonbons d'un magasin soudain en libre-service.
La façon dont il raconte comment il a commencé à écrire des dialogues explique parfaitement un processus créatif absolument traditionnel mais révélateur: on copie ses ainés avant de trouver sa voie. Elève acteur, il a besoin de lignes de dialogues pour travailler des scènes. Ayant une bonne mémoire, il note des dialogues vus récemment dans des films qui lui ont plu, en remplissant les trous créés par ses oublis. Petit à petit, ces remplissages prennent de plus en plus de place, et finissent par remplacer totalement toute tentative de souvenir.
Dans cet esprit foutraque et ludique, vous ne trouverez dans aucune bible la fameuse citation déclamée par Jules Winnfield: c'est du remodelage Tarantinien pur jus.
En l'espèce, n'éprouver aucun plaisir aux différentes scènes de Pulp Fiction, même considérée indépendamment, peut étonner. Les moments inoubliables sont pourtant légions: la transmission de la montre du père de Captain Koons, la façon dont The Wolf voit soudainement le futur, sur le trottoir face à ses deux interlocuteurs en tee-shirts et maillots de bain, la résurrections piquante de Mia, le pétaradant "Zed's dead, baby", plus toutes les autres scènes iconiques dont le film déborde sont la marque inoubliable du cinéma de Tarantino.
Mais si c'est déjà beaucoup, c'est encore insuffisant par rapport la cohérence de l'ensemble, cohérence peut-être en son temps desservie par la récompense obtenue par le film avant sa sortie en salle. Sous le génie du recyclage se dissimule la singularité de son auteur, qui lui sera longtemps dénié, et deviendra éclatante et reconnue à partir d'Inglorious Basterds, tout imparfait qu'on puisse trouver ce film.
A l'image de cette B.O., passée en boucle pendant des mois dans le magasin où je débutais, dont le caractère parfaitement hétéroclite a connu une existence singulière et imposé à chaque écoute la personnalité unique de son initiateur.
Chercher à déterminer le contenu de la valise de Wallace devient alors un indice supplémentaire de l'aspect ludique de l'ensemble: tenter de deviner, élaborer des théories sans jamais obtenir de réponse définitive est bien entendu plus fun que de se voir proposer toutes les clefs, si cohérentes soient-elles.
Le jeu du plaisir mélangé au plaisir du jeu. Difficile de demander plus à ce nouvel étendard flamboyant de la culture pulp -ou pop-, dont ne soupçonnions pas vraiment encore l'existence à la sortie du film, ni son importance à venir.
Une sorte de raccourci vers le futur, emprunté par le créateur d'un personnage qui lâche un laconique: "c'est à une demi-heure d'ici, j'y suis dans 10 minutes."
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Le film OK, mais la BO pardon !, Un réalisateur, un film, une critique, "All you need for a movie is a gun and a girl" Jean-Luc Godard, L'avantage quand on joue son propre rôle, c'est qu'on diminue la prise de risque artistique. et Timéo sera-t-il cinéphile ?
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le 17 août 2020
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