These are the days of revenge, so sweet !
J'ai revu Punisher war zone uniquement pour en écrire la critique, afin de réhabiliter ce film que j'aime et qui est mésestimé.
Personnage des comics Marvel, Frank Castle aka le Punisher, est un ancien militaire qui tue les criminels qui échappent à la justice, et ce depuis que sa famille a été tuée par des mafieux.
Dans les années 2000, le personnage avait été ressuscité par l'auteur Garth Ennis (littéralement : le Punisher avait été tué en 1998 !), marquant un renouveau, avec une série beaucoup plus sombre et mature.
Il y a eu une adaptation cinématographique 5 ans plus tard qui reprenait certains points de l'intrigue des premiers récits d'Ennis, mais qui n'en gardait aucunement l'esprit. On pouvait notamment y voir le Punisher torturer un homme avec... une glace ! De quoi révolter les fans.
Ce film aurait pu, de nouveau, enterrer le personnage... étonnamment, et heureusement, non.
Passé beaucoup plus inaperçu, Punisher war zone est la meilleure adaptation du Punisher à ce jour (pas difficile de dépasser le film avec Thomas Jane, ou celui de 1989 avec Dolph Lundgren), mais aussi l'une des meilleures adaptations de comics qui soit.
Derrière ce nouveau film, il y a toujours la productrice Gale Anne Hurd, amatrice de comics, comme en atteste sa filmographie (The walking dead, Incredible Hulk) ; je l'avais rencontrée il y a quelques années au Comic Con français, et elle m'avait dit avoir aimé les comics écrits par Garth Ennis. Et on voit qu’elle a saisi l'esprit de ces comics, et a su l'implanter dans la nouvelle adaptation, alors même que celle-ci ne reprend la trame d’aucun des récits d’Ennis. (certes, Gale Anne Hurd avait aussi produit le précédent Punisher, mais le réalisateur était son mari, donc je la pardonne ; elle m’a d’ailleurs pas dit grand-chose sur l’autre film, si ce n’est que les deux adaptations sont "différentes")
Dans chacune de ses histoires, Garth Ennis s’est efforcé de trouver des situations servant à définir toujours un peu plus Frank Castle. Par exemple, étant donné que le Punisher a pour règles de ne pas tuer des policiers, qu’est-ce qu’il arrive quand il a affaire à des flics corrompus ? Qu’est-ce qu'il arrive quand le coéquipier de Castle, pour se fournir en armes, fait affaire avec des criminels ?
Punisher war zone s’ouvre sur un massacre à la violence hallucinante perpétré par Castle, mais c’est loin d’être un film d’action bourrin tout simple.
Que les spectateurs connaissent le personnage ou non, ce carnage suffit pour définir le Punisher comme étant un tueur de sang-froid implacable, un vigilante qui s’en prend aux criminels quand les policiers ont les mains liées, et le film se permet ensuite de le remettre en question.
On reconnaît une bonne adaptation à sa capacité à ne pas en rester à ce qui est déjà connu, mais évoluer en plaçant ses personnages dans une situation nouvelle (cf Dredd, le film de La famille Addams, etc).
Dans l'esprit de ce qu'a fait Garth Ennis dans les comics, dans ce film-ci Castle rencontre deux situations jusque là inconnues pour lui : il ne laisse non pas seulement un méchant en vie, mais il tue également un policier sous couverture. Deux problèmes bien trouvés de la part des scénaristes, et qui permettent au Punisher de se remettre en question. Même dans le comic, il est infaillible, jamais ce type de problème n’a été soulevé pour ce personnage.
L’épouse du policier décédé pose une question toute simple, mais tellement géniale : "Who punishes you ?".
La scène où Castle va voir la femme et la fille du policier qu’il a tué, est par ailleurs, intense et particulièrement bien écrite, en peu de répliques, on en dit beaucoup ("it’s a dad’s word").
Le film est pleins de répliques extras aussi, comme quand, à "May God be with you", Castle répond "Sometimes, I’d like to get my hands on God".
Il y a un certain nombre de touches comiques qui posent vraiment le Punisher comme étant un badass (la façon dont il redresse son nez cassé, le dialogue "which drawer is the alleged Punisher murders ?" – "All of them", etc).
La nouvelle incarnation de Castle a un costume beaucoup plus cool qu’avant, et est interprétée par l’acteur parfait pour ce rôle, Ray Stevenson, qui ressemble à une illustration de Tim Bradstreet qui aurait pris vie.
L’acteur jouant Soap est aussi excellent, il est physiquement très ressemblant, et il arrive à donner au personnage une maladresse qui correspond exactement à la façon dont je voyais Soap en lisant le comic.
Certains seront peut-être surpris de voir Dominic West, de The wire, adopter un accent italien pour le rôle du mafieux Jigsaw. Le personnage n’est pas forcément subtil, mais c’est un méchant avec une personnalité assez bien établie : il est obsédé par son apparence physique, et finit défiguré à cause du Punisher. Beaucoup des mafieux qui l’accompagnent ont une particularité qui font qu’ils se démarquent : il y a le frère psychotique de Jigsaw, qui a des façons spéciales de montrer son affection ; le père mafieux accompagné de son fils, accro à la coke ; et ces équivalents des yamakasis, qu’on est content de voir se faire exploser par Castle.
Le film essaye de se rapprocher encore plus du monde des comics par des éclairages colorés très peu naturels ; je trouvais ça laid auparavant, mais ça me dérange de moins en moins à chaque visionnage.
C’est surtout dans certains aspects de la post-production que l’on trouve des choix douteux, avec certains effets de montage, et quelques bruitages exagérés.
C’est le plus gros reproche que je pourrais faire au film qui, hormis ses qualités d’adaptation, se démarque aussi, en bien, dans le genre du film d’action.
Punisher war zone traite de façon réaliste et pragmatique certains points que d’autres films du même genre préfèrent occulter : comment le héros se fournit en armes, par exemple. Pour cela, les scénaristes ont trouvé une idée originale, avec un ex-membre de gang qui achète des armes pour Castle ; de plus, le personnage ayant un pied dans le milieu criminel, il s’avère utile d’autres façons plus tard.
Le film apporte également une explication au fait que, lors de la fusillade finale, aucun policier ne vienne.
C’est donc étonnant que, plus tard, les scénaristes aient laissé un "plot hole", concernant la façon dont Loony Bin Jim a trouvé la cachette du Punisher ; comment peut-il être aussi facile de découvrir où il se terre ?
Le scénario dépasse quoi qu'il en soit les attentes qu’on a pour un film comme celui-ci, car après tout, si on regarde Punisher war zone, c’est surtout pour les tueries !
Elles sont assez peu nombreuses (trop peu ?), mais très satisfaisantes : c’est d'un gore, d'une inventivité, et d’une brutalité inattendus ! C’est surprenant de voir que le film a été réalisé par une femme.
Mais malgré les têtes explosées, transpercées ou tranchées, malgré les démembrements et les effusions de sang, il y a quand même un adoucissement par rapport au comic, dont le fond était plus brutal. Il faut voir la fin du comic "Au commencement", qui montrait de façon extrême comme Castle peut se transformer en machine à tuer qui met ses sentiments de côté pour aller au bout de ses principes.
La violence visuelle dans Punisher war zone est néanmoins honorable, et il est compréhensible que les cinéastes n’auraient pas pu aller plus loin que ça en rendant le héros moralement discutable.
En adéquation avec l’esprit du film, la BO comporte quelques chansons qui défoulent, notamment le fabuleux "Days of revenge", d’un groupe inconnu nommé Ramallah. Rob Zombie a même composé une chanson pour l’occasion, "War zone". Dommage que les chansons ne soient pas mieux employées dans le film.
Punisher war zone est une très bonne adaptation de comic, et un des rares vrais bons films d’action des années 2000. On y trouve tout ce que devrait comporter un film d’action exemplaire selon moi : des scènes de combat à mains nues ou armées à la violence pleinement assumée, une bonne BO rock, un scénario bien ficelée et des personnages à la caractérisation appliquée.
J’avais profité de la rencontre avec Gale Anne Hurd pour demander s’il y aurait une suite, elle avait dit que c’était possible. J’attends toujours, impatiemment.