Requiem æternam dona eis.
Il n'est jamais chose aisée d'adapter une pièce de théâtre au cinéma, mais c'est pourtant la lourde tâche à laquelle s'est attelée Lisa Langseth, transposant sa propre création dans un univers totalement différent. Le nerf principal reste cependant le même, reposant sur un question simple, jusqu'où peut aller un mensonge quand on veut s'extirper d'un milieu ingrat ? Une jeune femme qui n'a pas fini ses études, entourée par des proches qui lui rappellent sans cesse la classe sociale dont elle fait partie, alcooliques et souvent chômeurs, et qui s'éprend d'une culture on ne peut plus élitiste, la musique classique. Comment pénétrer dans ce milieu ? Comment donner le change ? Et surtout, comment faire un trait sur un passé et s'en inventer un nouveau ? Toutes ces questions nous sont posées, et Langseth tente d'y répondre, à sa manière, dans cette fiction passionnante, pour peu que l'on prenne nous aussi le temps de marquer un arrêt, et d'écouter. Écouter la musique, être enivré, happé par un ballet de cordes, cuivres et instruments à vent, et se rendre compte soudainement que l'on est allé trop loin pour reculer, que l'on ressent les mêmes émotions que notre protagoniste, ainsi qu'une angoisse à l'idée de perdre tout ce que l'on croit posséder, ne tenant dans nos mains que grâce à un mince fil qui peut se briser à tout instant. On se dit par moment que tout cela parait déjà vu, l'histoire de la souillon trouvant place dans un milieu fermé ayant été triturée dans tous les sens, mais pourtant ça fonctionne, et n'oublions pas que nous sommes dans un drame, et non belle fable hollywoodienne.
Certains ne manqueront pas de remarquer la ressemblance avec Match Point de Woody Allen, sorti bien des années après la pièce, un coup du hasard ?
Bref, Pure est une histoire captivante, belle, optimiste et pessimiste à la fois, et qui comme toutes les grandes histoires, ouvre des portes qu'elle ne referme pas, nous laissant le libre arbitre, et différencier nous-même le bien du mal. Outre sa trame pas des plus originales dans sa forme, on ne pourra pas nier la qualité de l'interprétation d'Alicia Vikander, qui malgré son — relatif — jeune âge nous impressionne par la maîtrise qu'elle a de son personnage. Comme quoi, c'est comme au théâtre, une pièce peut avoir été jouée des milliers de fois, il n'est pourtant pas interdit que ça soit la mille et unième qui soit finalement celle qui sorte du lot.
En plus de cela la bande-originale restera inoubliable, évidemment composée de morceaux phares de compositeurs bien connus (Mozart, Beethoven...), mais toujours placés à des moments opportuns (le lacrimosa est on ne peut mieux utilisé), appuyant la connaissance qu'avait la réalisatrice de cette culture.
Pour conclure, les amoureux de la musique classique trouveront là une œuvre délicate et intelligente dédiée à cet art. Bien que cet univers puisse paraître sectaire, Langseth s'en sert surtout pour mettre en place sa vision de la lutte des classes, et arrivera facilement à conquérir un public non initié.
Mention spéciale qui reviendra sans surprises à Alicia Vikander, subjuguante, au charisme prononcé, malgré la part de naïveté de son personnage, et d'une beauté douce et très féminine. Pour couronner son talent, qui n'a cessé d'être reconnu, elle sera à l'affiche de The Seventh Son aux côtés de Jeff Bridges et Julianne Moore. Une carrière à surveiller de très prêt.
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