Dernier volet de la trilogie, Pusher III donne désormais à Milo, seul personnage présent dans les trois volets, le rôle principal, fidèle au principe des opus qui se focalisent sur la vie de raclures, les pressurisent au point de faire jaillir chez eux les derniers éclats d’humanité.
La tonalité conclusive se confirme : par l’âge du personnage, par son désir de décrocher de la drogue, et la passation prévue, notamment dans l’anniversaire de sa fille et son mariage à venir, assurant la relève dans le crime, et l’arrivée d’une nouvelle cargaison, de l’ecstasy à laquelle le vieux briscard ne connait rien.
L’esthétique, plus lumineuse qu’auparavant, marque une certaine différence, plus numérique, mais aussi plus mobile, par une caméra nerveuse et intrusive, et un recours plus fréquent à la musique : une mélancolie étrange s’en dégage, omniprésente et pourtant désactivée par la distance permanente qu’on prend avec elle dans le traitement naturaliste du récit.
La démonstration est claire : en faisant de son trafiquant un toxico, Refn nous montre les deux revers du même enfer : la spirale de la dépendance et celle de la criminalité, particulièrement bien autopsiée ici, entre les différents intermédiaires, l’organisation des négociations et l’écoulement de la marchandise. S’ajoute le thème des réseaux de prostitution, particulièrement éprouvant : trafic de drogue ou des humains, tout se rejoint, sans distinction sur l’autel sacrificiel du profit.
De plus, la mise à mal de celui qu’on présentait comme le boss dans le premier volet dépouillant Frank de sa montre et devant se séparer désormais de la sienne face à la nouvelle garde achève l’illustration d’un milieu qui procède par dévorations successives. La jeune génération déchiquette les anciens avant de se perdre dans les entrelacs d’un filet dont elle croit tirer les ficelles.
Cet épilogue se distingue aussi par l’émergence du gore, qui aura une place conséquente dans les films suivants de Refn, de Valhalla Rising à Drive : le regard clinique sur le vidage et le découpage du corps, opère un étrange regard sur l’horreur. La dissection d’un milieu se fait ici au sens propre du terme, dans une vision presque grotesque (les organes se coinçant dans le broyeur) qui ne cherche pas pour autant faire rire : par ce final horrifique, Refn achève son portait d’un milieu déshumanisé, dans lequel quelques instincts surnagent : celui de la famille, même si celle-ci est gangrenée par un mal que nulle rédemption ne pourra laver.
(6.5/10)
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