Si le premier film semblait encore s’adresser à tout le monde et cherchait à convaincre ses spectateurs en créant un personnage charismatique et fun dans un cadre plutôt cool, comme une sorte de réponse télougou relativement sobre aux génialement débilosses KGF 1 et 2 de Prashanth Neel… force est de constater que 3 ans plus tard, tout ça est balayé. Profitant du succès que Pushpa a rencontré, l’approche encore relativement mesurée du premier film laisse place à une surenchère dans la surenchère afin de proposer un spectacle qui bivouaque aux frontières de l’art abstrait et prends ses aises dans la débauche la plus éhontée.

Au début, Pushpa reposait sur l’histoire cousue de fils blancs du petit voyou qui va devenir le roi de la pègre parce qu’il est le plus cool et qu’à la bagarre ben… il est tombé dans la potion magique quand il était petit, alors c’est lui le plus fort. C’était pas révolutionnaire, mais ça bénéficiait de l’interprétation morveuse du formidable Allu Arjun qui campait son super héros sans morale et sans défaut avec une gouaille de branleur désopilante. C’était pas énorme, mais il y avait un enjeu, et le personnage empruntait un chemin semé d’embuches afin d’aller du début du film à la fin. Mais fini tout ça, dégagés le scénar, le concept d’enjeux ou même l’idée d’une construction narrative. Pushpa 2 est un film qui repose sur un concept étonnant : Ne rien raconter du tout, et se limiter à des trucs du genre « va-t-il avoir sa photo avec le Chief Minister ? » ou à « va-t-il s’excuser ou pas ? ». On est pas loin du « qu’est ce qu’on mange à midi » ou « quelle chemise bariolée vais-je porter aujourd’hui afin de ridiculiser une bonne fois pour toute le cinéma de Villeneuve ? » Mais cette histoire d’excuses, qui vient animer le milieu du film est probablement le seul moment où se construit une tension et un peu de suspense. Pour finir par noyer tout ça dans la pisse et l’exultation de la salle. On était 4, mais les murs du cinéma ont tremblé d’un bonheur aussi intense que régressif ! Pushpa, devenu bling bling coupe mulet noyé sous une bijouterie à la Mister T passe de scène en scène sans jamais être mis en difficulté, sans jamais qu’on puisse imaginer un instant qu’il va lui arriver bricole. On s’en tape, c’est pas le sujet. Alors chaque scène est traitée comme le climax d’un film qui n’en a pas, ou qui n’aurait que ça. Sentencieux à mort, mais branleur comme c’est pas permis. Se foutant ouvertement de ses propres enjeux mais traitant son univers avec beaucoup de déférence, se battant la race complet de la bienséance minimum qu’un film exige, en termes de narrations ou d’écriture de personnage, mais respectant constamment son public… Pushpa 2 fait tout, tout le temps, pour te gaver de cochonneries en te trimbalant de grand huit en grand huit. Fête foraine du cabotinage et des punchlines à gogo, le film pourrait évidemment souffrir de n’avoir aucune progression dramatique, étant constamment à fond les ballons sur 200 putains de minutes… Sur le papier, t’y crois pas un instant, mais attention méfiance avec la magie télougou, car ça fonctionne ! On ne se fait jamais chier et on a constamment envie de taper des pieds par terre. Pushpa 2 a été bricolé comme une démonstration de force perpétuelle, il a été pensé pour rendre hystérique les salles de cinéma, foutre les audiences à genoux d’épuisement. Alors bien sûr, ça n’a aucun sens, c’est souvent complètement con alors les tentatives ponctuelles de déplacer l’ambiance et de créer de l’émotion avec les drames familiaux intimes qui serrent le petit cœur du personnage pourraient paraitre totalement déplacés. Mais non, ils fonctionnent aussi. Le personnage féminin devrait être sacrifié par la testostérone abusée des concours de bite permanent de ces sacrés cocos, eh ben non, là aussi ça marche à mort. Le personnage féminin est non seulement réussi mais de plus mène tout ce cirque à la baguette. Et si le film est résolument familial, mettant en scène une violence en mousse pour petits et grands, il est également traversé par une dimension ultra salace tout à fait surprenante ! Mais attention, ce formidable spectacle n’est pas exempt de défauts ! Je trouve par exemple que les morceaux musicaux sont moins réussis que pour le premier film, je trouve qu’il manque cette mise en scène inventive qui rendait certaines scènes magistrales (la bagarre hors champ chez le mafieux) et j’ai trouvé que c’était régulièrement assez plat, et assez empoté dans un dispositif un peu cheap, manquant étonnamment de moyens… Les bagarres sont plutôt nazes, même si la dernière baston dite de « l’asticot mordeur » (!) est aussi ridicule que jubilatoire. Mais tous ces défauts, ou ces réserves, sont compensées par cet aspect branleur crétin de niveau stratosphérique. Ça te tripote le cerveau reptilien mais ça jette des cacahouètes au reste du ciboulot.

Et puis, finalement, au fur et à mesure que ce gros kouglof trace sa route, un enjeu va tout de même s’imposer : Qui va chiper la queue du Mickey du plus gros cabotinage ? Allu Arjun complètement on fire… ou le méchant flic joué par Fahad Faasil qui visiblement a passé un très bon moment sur le tournage et qui nous régale avec une interprétation d’une truculence gourmande, arrivant à faire n’importe quoi avec une subtilité et une finesse admirable. On appelle ça le talent. Bravo. Ces deux gros champions dominent le défilé de bobines sympas du film avec une aisance ne souffrant aucune contestation.

Alors bon, l’enthousiasme ne doit pas escamoter les évidences : c’est pas forcément le film que je conseillerais à tout le monde, et c’est quand même plutôt pour un public averti. Rappelons également l’immoralité totale du bouzin qui se tamponne total des questions écologiques ou politiques qui interpellent, parfois, le spectateur entre deux apnées. Pushpa 2 the Rule est un film qui pourrait passer en boucle dans un ciné, on rentre au milieu, on repart avant la fin, on reste 1 heure ou toute la journée devant. On pourrait tout mélanger, mettre le milieu à la fin et couper le début, ça ne changerait rien. Ainsi, la premières scène nous emmène au Japon et nous présente un personnage énigmatique qu’on ne retrouvera jamais, la grande scène de festoche semble avoir été bricolée pour rajouter a posteriori une bagarre afin de justifier la dernière demie heure du film qui ressemble à la première heure du film suivant. La première bande annonce de Pushpa 2 (« Where is Pushpa ? ») introduirait en fait l’intrigue du 3 et le tournage du film se serait achevé 5 jours avant la première. Et je ne ferais pas de commentaire sur la scène finale, je dirais juste que c’est le seul moment où le film doit nous communiquer des informations, et que c’est tellement bien tricoté personne a rien pané. C’est peut être un miracle que le film soit si cool, je ne sais pas. Mais une chose est claire, Pushpa 2 a écrasé la concurrence en termes de blockbusters indiens !

Tu ressors lessivé, et sourd. Et t’as les yeux qui brûlent parce que Pushpa 2 est un film en couleurs, en beaucoup, beaucoup de couleurs, et que t’as plus l’habitude.

MelvinZed
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