Les mutilations infantiles, c'est comme les "têtes de nègres"

En matière de comédies populaires, le cinéma français est généralement médiocre, dans les vannes, dans l’écriture et la mise en scène. Régulièrement, une grosse comédie ultra-marketée tombe et repousse les limites de l’inanité, de la laideur ou de la bêtise. Et puis s’y ajoute la vocation sociale puante ou laborieuse. Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu débarque ainsi en 2014 en cumulant tous ces vices, de forme et de fond. Ses qualités en tant qu’objet de cinéma sont très faibles, avec même une poignée de séquences immondes, comme la bagarre entre juif et chinois.

Le programme se distingue ailleurs : c’est un film à message, chargé de bonnes intentions et d’enfonçage de portes ouvertes, nous indique-t-on. Dans le même temps, le spectateur est bien mis au fait : cet enfonçage est non seulement légitime, mais il est nécessaire car jamais la saine parole antiraciste n’aura suffisamment été assénée, compte tenu des coups lui étant portés chaque jour. La France elle-même, celle des français de province en tout cas, n’a pas encore assimilé son idéal universaliste, lequel pourtant la nourrit et garanti sa pérennité ; mieux, son renouveau !

Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu est donc un brave produit nous mettant en face de nos préjugés afin que chacun nous puissions rire ensemble, de ce racisme nous habitant, dont certains n’ont même pas conscience ! Et alors le beauf commun vient voir le film et la foule s’éclate : c’est normal, d’abord, il ne faut pas dépareiller, ensuite, le spectacle est d’une telle euphorie. L’immense succès de Qu’est-ce qu’on a fait a été bien aidé par le matraquage médiatique à tous les niveaux. À l’arrivée, chacun redoute d’en dire du mal puisqu’il est fondé sur des intentions si nobles et assermentées.

Au mieux, on l’attaquera en tant que comédie insuffisante. Car sinon on est un : facho ! Pourquoi pas. Pourquoi ne pas accepter l’injure émanant des clowns décérébrés. Face à un film faisant la promotion de la mutilation (sur les nouveaux-nés, au nom de la religion et d’un ordre culturel différent) dès son ouverture, tout en crachant au visage du connard à l’habitus franchouillard que vous êtes, dire Non est cohérent. Oui il faut assumer un ordre moral et plus encore un ordre culturel minimal. Oui il faut refuser la compromission et l’atteinte à vos valeurs fondamentales et à celle de l’espace collectif où vous êtes nés, quand des forces régressives et malsaines s’inventent chez vous.

Oui, l’excision et la circoncision sont des pratiques barbares ; oui, certaines civilisations ont su dépasser la sauvagerie et ne pas en faire des fondements de leurs mœurs. Et lorsque c’est le cas, lorsque vous avez cette chance au moins de conserver votre intégrité, aucun slogan ni aucune pression ne doit vous atteindre. Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu vend l’excision dès sa scène d’exposition et la banalise. L’argument de son hygiénisme est naturellement assorti, pas celui de son ancrage aux Etats-Unis curieusement : peut-être car il est là-bas une marque de snobisme et que ce film se veut démocratique et égalitaire au dernier degré.

Celui qui émettra un haut-le-coeur face à ce délicat événement n’a qu’une seule solution : il rejoint le personnage incarné par Christian Clavier (et sa femme), le vieux con absolu, le seul dont l’esprit est encore trop obtus et petit pour accepter la circoncision. Eh ! Autour de lui, tout le monde ne voit que la normalité. Comment peut-on être psychorigide (psychorigide est un défaut ultime) au point de ne pas comprendre (ou accepter, les deux s’équivalent) la normalité des autres !

Dans ses grands élans bienveillants et humanistes, Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu assène donc la tolérance et promeut la France comme une terre d’accueil. Il fait l’éloge de la diversité et du multiculturalisme, donc des traditions importées, tout en ridiculisant celles locales. Allant au bout de son idéologie, il diabolise et humilie également les défenseurs de l’ordre culturel d’ailleurs : ainsi Christian Clavier (le français réac ne comprenant même pas que l’excision est une chose saine) trouve un alter-égo en Pascal N’Zonzi. Tous deux sont les papas relous gâchant le dernier mariage international de la famille Verneuil.

Et N’Zonzi aka André Koffi est encore pire que son homologue français : il est vindicatif, haineux, toujours ancré sur de vieilles histoires. Il est dominateur, gueulard et fermé, comme tous les machos qui n’ont pas compris que le monde avait changé, voyez-vous ! Enfin il est revendicatif. Et là le film est immonde. Car si André se plaint de la perception condescendante et raciste de la France envers son peuple, le film ne fait jamais mention de sujets sérieux, comme ceux relevant d’abus concrets liés à la colonisation. Non, André se plaint parce qu’il a une image pré-conçue en tête, comprenez-vous ?

Par ailleurs, de quel droit les concepteurs de ce produit abruti se permettent-ils d’humilier le ressenti d’un homme heurté par l’existence passée de « têtes de nègres » dans les boulangeries françaises ? Il est manifestement normal d’avoir été sali et insulté. L’essentiel, dans le monde de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, c’est d’être gentil, indulgent et renoncer à tout jugement. De cette manière, on peut atteindre la mixité culturelle dans l’harmonie (oh mais voilà que nous allons rejoindre la réconciliation chère aux soraliens). Cela étant, chacun doit renoncer à ce qu’il est et à d’éventuelles blessures passées.

Chacun est vite dit, bien sûr : ce sont les dominants actuels qui doivent céder la place, tandis que l’exotisme culturel doit devenir le nouveau ciment. Et à ceux y résistant, tous les vieux cons mais aussi les revendicatifs du passé, il n’y a que la conversion ou la disparition. À la fin, Clavier l’ex papa-beauf facho est devenu un bon beauf coopératif et s’exalte sur des percussions africaines. Ici est le gain : on ne parle pas au public comme à des Dupont Lajoie ; chacun peut rejoindre le mouvement s’il accepte de se mélanger dans la bonne humeur et sans un mot plus haut que l’autre.

On termine sur une promesse de beau voyage à travers le monde, en passant chez chaque membre entré dans la famille Verneuil, devenue l’incarnation non plus de l’intégration réussie (même si on chope ce bon point avec une Marseillaise juive-sino-beur – black-blanc-beur, c’est un peu périmé), mais d’un équilibre où la France s’efface de toutes façons et devient une auberge anesthésiée. La conclusion est naïve, comme si tout le monde profitait, dans la cohésion pure et simple, sans tâche. La question est : qui de l’hypocrisie ou de la stupidité est le plus grand serviteur de toute cette chorégraphie ? La seconde option est un pilier du film.

En effet, Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu aurait pu être écrit par des enfants de CE1 s’inspirant sociologues. On aurait confié la tâche aux élèves les plus souriants et aimables, les plus soucieux de ne froisser personne et ne pas creuser plus loin qu’on ne leur a enseigné. Ainsi dans ce produit sans le moindre recul sur les idées reçues les plus primaires de son environnement immédiat, les dépressifs n’ont aucun problème d’ordre physiologique.

Et comme notre normativité humaniste et cool a gagné la partie (ce qui est juste), il est normal de présenter un curé post-moderne et adapté à la mondialisation, n’ayant lui-même aucune considération pour les vieilles lunes de son Eglise et sachant bien que la morale adroite consiste à être open et décontracté. Enfin et c’est un comble, hormis le fait qu’il vient conclure la série, en quoi le beau-fils noir serait la plus grosse partie à digérer pour ces bourgeois old school ? Dans la France réelle, ce serait plutôt l’arabe qui poserait, le plus communément, une gêne.

Malgré tout son prosélytisme humaniste et bienveillant, le film ne sait jamais dépasser les clichés, parfois les plus réducteurs et secrètement injurieux. C’est à la fois ironique et totalement logique, puisque chaque caractère accompli est assimilé à de la non-évolution. Mais la conséquence est fâcheuse pour un spectacle se voulant politiquement correct, l’étant par son idéologie, tout en recyclant ces imaginaires douteux et primaires (idem avec les femmes raisonnables) ; et y enfermant ses petits protégés. Ainsi Rachid, l’arabe de service, agressif – mais vertueux. Il le dit lui-même : « je ne mange pas de porc mais je suis pas intégriste ».

Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu vise bas. Il a sans doute raison. Il se rend accessible au dernier demeuré tout en le pressant avec fermeté mais charité vers le camp du Bien et de la Lumière. Celui où l’on sait que les musulmans ne sont pas tous des terroristes et que les gens psychorigides sont des obstacles au progrès. Lolilol. Dire que des gens ne vont pas comprendre ça mais sérieusement mais où en sont les gens Bobby ! Ils voient des reportages à la télé et ça leur suffit, ils prennent ça pour argent comptant ! Heureusement qu’un film lénifiant, participant de tous les conformismes les plus vulgaires et les bourrages de crâne les plus nocifs de son temps, est là pour les recadrer et leur barrer la route.

Enfin comme comédie, cette abjection dispose malgré tout quelques instants amusants, grâce à son casting, spécifiquement les deux vieux cons de l’affaire, les seuls à avoir une âme qui soit la leur puisqu’eux refusent de laisser saccager leur identité. Mais sans doute, dans l’esprit des concepteurs de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, cette assertivité philosophique assumée est le propre des débiles.

http://zogarok.wordpress.com/2014/10/16/quest-ce-quon-a-fait-au-bon-dieu/

Créée

le 16 oct. 2014

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