Par Défaut
Par défaut. C'est ça, c'est par défaut que j'ai vu ce film. Il fallait que je vois un film ce 3 avril, sinon je perdais ma place sur ma carte Pathé. J'ai choisi celui-là. Comme ça, juste sur le nom...
le 3 avr. 2016
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Quand on a 17 ans est porté par deux plumes : celle de son réalisateur, André Téchiné, et celle de Céline Sciamma. A eux-deux, ils servent un film proche de leurs thèmes de prédilections : l’adolescence et la naissance du désir. Le trio imaginé par Téchiné il y a dix ans, après la sortie des Témoins, est porté par trois acteurs formidables : Kacey Mottet Klein, Corentin Fila et Sandrine Kiberlain. Mais au-delà du thème classique de l’adolescence, Téchiné filme la violence et glisse peu à peu vers la douceur, sans enfermer les personnages dans des idées préconçues. Un plaisir cependant mitigé car le film peine quelque peu à démarrer et cède à quelques lourdeurs (voire facilités) que des scènes d’une grande beauté font oublier.
Si Céline Sciamma a l’habitude de « faire exister » à travers son cinéma, là encore ce sont deux « marginaux », comme elle les présente (lors d'une rencontre avec l’équipe du film), que nous rencontrons au début du film. Plus que des marginaux, Thomas et Damien sont deux êtres solitaires qui se toisent, deux aimants contraires qui s’attirent. Ce regard que Damien porte sur Thomas angoisse et agace ce dernier qui réagit violemment. Sauf que Damien reste plutôt impassible à ces premières attaques. C’est le temps du premier trimestre (le film suivra la progression des trois trimestres qui composent une année scolaire), où nous sont décrits les deux univers de nos personnages principaux. L’un vit dans la montagne, brave la neige pour aller en cours, l’autre habite la vallée et est déposé chaque matin en voiture. Thomas a donc la volonté farouche et surtout innée de maîtriser les éléments, son corps domine le paysage autant que ce dernier l’écrase de sa beauté. Si cette première partie peut sembler un peu simpliste (opposant deux personnages de manière très frontale), elle tend à poser le cadre d’une éducation sentimentale qui se révélera passionnante. Car la force des deux auteurs est d’évacuer assez vite l’école (là encore la pirouette scénaristique serait à interroger, mais passons) et autres obstacles pour se consacrer entièrement aux conflits intérieurs des personnages, à ce qui se passe en eux. La relation entre les deux personnages bascule donc peu à peu, mais de manière assez subtile, les deux auteurs mêlant les questions de filiation et de reconnaissance à cette histoire adolescente.
"Quand c'est violent, ça dure pas"
L’intérêt du film est donc de voir comment évolue cette relation d’abord ambiguë, sauvage et finalement presque animale tant elle est liée aux éléments. Loin du regard des autres, Thomas accepte autrement le regard de Damien, accepte la bienveillance, voire devient protecteur. Ici, c’est presque une utopie qu’écrivent Téchiné et Sciamma. En effet, si les drames surviennent, c’est ensemble que le trio décide de les surmonter, même si ça n’est pas toujours consciemment et que tout se construit peu à peu. Se focalisant entièrement sur ses personnages et les enjeux qui les traversent, le film évite l’écueil des personnages périphériques ou des grands discours. Résultat, quand Damien se confie à sa mère, elle le laisse parler, ne l’envahit pas de ses doutes ou de ses réticences, elle accepte, tout simplement. Le film est donc un corps à corps porté par de très beaux dialogues. On y aborde le désir, sa naissance, sa puissance aussi, l’enjeu étant aussi de savoir que faire de ce corps-là, corps d’homme viril ou corps gracile. L’armée, le combat sont évoqués en toile de fond et donnent à penser ce rapport de l’adolescent à sa construction physique et psychique, les modèles des deux personnages étant doubles : mère à protéger dans la ferme familiale, ou mère plus forte mais au corps plus fragile du côté de Damien, les pères étant plus en retrait mais tout de même essentiels. Ce personnage de la mère presque « célibataire » (disons du moins qu’elle élève souvent seule son fils) est crucial car il permet de porter sur le film un regard bienveillant, presque détaché, moins « dramatique », sur une période de la vie où l’on se construit. Quand on a 17 ans, on n’est peut-être pas bien sérieux (merci Rimbaud), pourtant Damien et Thomas sont deux êtres très graves dans leur approche de la vie, de l’autre et de l’avenir. Ils sont déjà très « grands » pour leur âge, alors que la mère de Thomas réagit plus dans l’instant, s’agrippe à la porte du cimetière quand elle perd son mari. Les rôles ici sont comme inversés, ils ne demeurent jamais bien longtemps ce qu’on attendait d’eux. La scène d’amour physique du film nous le démontrera très bien. Les personnages n’ont jamais enfilé un costume pour toujours, c’est la « patte » Sciamma très certainement, avec la force dramatique, mais jamais misérabiliste dont Téchiné faisait déjà preuve dans Les Témoins. Et,en effet, nous regardons ces êtres évoluer, sans jugement, sans que le discours ne soit complètement prédestiné, ni fataliste.
Céline Sciamma et André Téchiné ont travaillé à « quatre mains » sur cette partition étrange, sauvage, et souvent très juste. Comme souvent au cinéma, l’adolescence est envisagée sous le prisme du désir, au cœur de grands paysages qui viennent ajouter à la force des éléments qui se déchaînent dans le cœur et la tête d’une jeunesse volontiers fougueuse. C’est un film tout en tension, parfois très drôle, et qui glisse peu à peu vers la douceur, préférant l’union et le « prendre soin » les uns des autres, à la violence du début (mais sans nier la violence du monde). Si la dernière scène du film est un peu décevante, parce que très bucolique, elle est à l’image de ce que Téchiné a voulu montrer : un parcours, le chemin de deux êtres qui s’ouvrent l’un à l’autre. Nous les voyons grandir à l’écran, changer. Le film ne prétend pas tenir-là un « prototype » d’adolescent, mais plutôt filmer des singularités qui s’unissent pour faire chemin commun. Finalement, on les quitte presque à regret quand l’année scolaire se termine, quand quatre saisons sont passées, mouvantes, de la rage percée par la douceur enneigée de l’hiver au repos souvent trompeur de l’été.
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Créée
le 30 mars 2016
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