On peut facilement citer de nombreux films (en provenance des États-Unis, le plus souvent) abordant le thème de la guerre du Vietnam selon des perspectives tout aussi nombreuses : réalité du conflit militaire, horreurs commises, séquelles inexorables, destruction de l'innocence, impossible retour au pays... Il y a l'approche frontale des grands classiques (Apocalypse Now, Full Metal Jacket), le projet un peu bourrin (les Rambo, Platoon, Nous étions soldats), l'analyse des troubles de stress post-traumatique (Taxi Driver, Voyage au bout de l'enfer), et toute une panoplie de films — souvent anglophones — dont le point de vue est centré sur un rapport atlantiste au conflit et qui constituent souvent une porte d'entrée dans la cinéphilie occidentale. D'autres tentatives existent, Werner Herzog s'est amusé avec un diptyque Rescue Dawn (versant plutôt fictionnel) / Petit Dieter doit voler (versant plutôt non-fictionnel), Pierre Schoendoerffer a réalisé de nombreux films qui se positionnement de manière profondément différente par rapport aux conflits de la région au cours du XXe siècle (La Section Anderson notamment, mais surtout en lien avec l'Indochine, avec des films comme La 317ème Section et Diên Biên Phu), et d'autres productions plus récentes existent également (parmi les plus récentes, Les Confins du monde de Guillaume Nicloux). Au sein de ce corpus particulièrement dense en œuvres américaines, il n'y en a qu'une à ma connaissance qui soit contemporaine à cette guerre et qui apporte un regard radicalement différent : c'est le documentaire réalisé par le collectif Winterfilm, inoubliable et qui retourne l'estomac, Winter Soldier.
Inutile de rechercher l'exhaustivité, la tendance est suffisamment claire et lourde. Tout ce préambule pour contextualiser l'importance d'un film comme Quand viendra le mois d'octobre, réalisé par le vietnamien Đặng Nhật Minh au début des années 1980, le napalm encore chaud. C'est un mélodrame sur les victimes de la guerre du Vietnam, mais selon une perspective inversée par rapport à la norme, du point de vue d'un petit village éloigné des combats. Probablement le premier film vietnamien à être diffusé dans les circuits occidentaux après la fin de la guerre.
Sans surprise, l'approche est fondamentalement divergente puisqu'elle met en exergue la tristesse d'une femme qui apprend la mort de son mari envoyé au front, un an après les faits, et qui se réfugie dans un déni total. D'abord pour épargner le choc à sa famille, notamment au père du défunt, affaibli dans son grand âge, mais c'est un mensonge qui va progressivement envahir son quotidien, au point où elle cherchera à s'en convaincre elle-même, comme si le piège d'une mythomanie semi-thérapeutique se refermait sur elle. Et c'est ici qu'il faut saluer l'interprétation de Lê Vân, équivalent vietnamien de la puissance mélodramatique féminine chez Ayako Wakao, portant sur ses épaules l'essentiel de la charge. Pas l'ombre d'un vietcong dans Quand viendra le mois d'octobre : tout se passe au sein d'un microcosme reculé, à l'abri de la guerre mais pas de ses conséquences. Le drame se nouera autour d'un pacte passé entre la protagoniste et un instituteur du village, à qui elle confiera la tâche d'écrire de fausses lettres en provenance du front pour rassurer la famille du disparu. Il y a une certaine maladresse dans ce film qu'on pourrait qualifier d'auteur, les moyens ne pouvant pas rivaliser avec ceux des incontournables, et elle se traduit surtout dans les seconds rôles (pas toujours très à l'aise) et dans la captation du son (mini-épreuve potentielle pour filtrer un bruit de fond léger mais persistant). Cela n'empêche en rien le film de développer une toile très émouvante autour de la tristesse et de la douleur des anonymes, dont le quotidien paraît structuré par la mort — même lorsqu'ils l'ignorent. Entre l'incapacité de Zuyên, la veuve, à accepter la mort de son mari, et les rumeurs déplacées qui naissent du rapprochement avec l'instituteur (une complicité interprétée comme une infidélité par les villageois), la pudeur de ce drame et la profondeur de son regard poétique en font un complément incontournable de la catégorie "films sur la guerre du Vietnam".
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