L’ascension de Michale R. Roskam avait de quoi faire vibrer : le diamant brut Bullhead était plus qu’une promesse, c’était un coup d’éclat, et son arrivée aux Etats Unis, entourés de Lehane, Gandolfini et Hardy, emmenant dans sa valise le bouillonnant Schoenaerts laissait rêveur.
Las. Ne reprochons pas pour autant au système Hollywoodien d’avoir passé à la moulinette un génie européen. Le talent est bien présent, la photo est splendide et la ville nocturne suppure bien comme il faut la rouille et la criminalité, les plans sont étudiés, (voire un peu trop, à sa façon d’organiser un mouvement contemplatif vers une crotte de chien sur un tapis ou de retourner sa caméra pour les transferts d’argent, de l’installer à l’intérieur du coffre, etc.)… La première partie qui voit la façon humiliante dont les ex mafieux encaissent pour les autres, à la fois les billets et les insultes, a quelque chose d’assez singulier et semble promettre un nouveau regard sur le film de gangster.
Les comédiens, reconnaissons-le aussi, sont impeccables, assez bien trempés, dans une partition intéressante puisque chacun doit tour à tour apprendre à cacher ou révéler son jeu. Pas de forfanterie, mais un encaissement et des soupapes qui deviennent fébriles.
Non, le véritable problème de ce film, c’est son écriture. Lehane, que j’ai tant admiré il fut un temps, semble bien peu inspiré ici, et l’idée de rallonger une nouvelle déjà fort peu convaincante était tout sauf bonne. Qu’il fasse dans l’éculé, pourquoi pas, braquage et mafia, on veut bien jouer avec les codes du genre.
[Spoils]
Mais l’insistance avec laquelle il fait des futurs méchants des gentils (Gandolfini et son père en coma végétatif, Hardy et les buveurs, Hardy et la vielle désargentée, Hardy le chien battu et un chien battu) manque cruellement de subtilité, sur un canevas assez confus où se mélangent passé, mafia (grand dieu, les caricatures de gangsters Tchétchènes, on se croirait dans Bad Boys), harcèlement de chien et d’ex petite amie… Cette volonté acharnée de mêler différents récits pour les voir converger au final est laborieuse au possible, et les artifices pour les raccorder au-delà du crédible (franchement, Gandolfini qui engage Schoenaerts, le premier psychopathe qui passe, pour son braquage secret, ça c’est de l’organisation scénaristique).
Car, qu’on ne s’y trompe pas, le tout se résume à de stupides demandes de rançons, d’un chien puis d’une femme, par un taré face à un taré qui dort, et donc se réveille. Taken, en somme.
Cruelle déception, et surtout, le sentiment d’un immense gâchis au vu de la combinaison de talents qui s’était ici réunis.