Se rendre au cinéma, c’est ne pas perdre une miette d’un assemblage complexe, notamment fait de formes en tout genre, si on se lance dans une aventure qui cherche à relativiser la perception temporelle. L’ancien physicien Geoff Marslett s’est projeté dans une campagne des plus ludiques, où il convoque habilement le chat de Schrödinger dans un discours métaphysique plein de nuances. Si la théorie quantique le fascine toujours, il estime qu’il peut avoir une autre valeur sur grand écran et ce sera parfaitement justifié. Son objectif est clair, s’affranchir du paramètre temps, l’instant d’une séance qui va convoquer des lois physiques que le spectateur aura le loisir de décortiquer et d’assimiler.
Il part pour le Far West, en lâchant son équipe technique dans un décor qu’on aurait vu maintes fois. Pourtant, ce décor est encore plus généreux du point de vue de personnages, dont la quête est assez simple. Une balle perdue aurait-elle enlevé la vie d’un musicien ? Bruno (John Way) et Frank (Kiowa Gordon) tentent de le découvrir, à travers une odyssée torturée et tordue dans tous les sens. Marslett débarque alors avec une recette unique, au risque de saturer l’expérience ou la lecture du récit. Le décor, ainsi que le choix d’animation influencent les personnages à tous les instants, que ce soit dans la même scène ou après une courte ellipse. Malheureusement, il convient d’aborder cette œuvre avec le bon référentiel et l’espace-temps sera souvent au centre d’une narration, qui n'hésite pas à créer un tourment cyclique, assimilable à la prise de stupéfiants.
On ne cache en rien cet aspect folichon, bienvenu dans un premier temps, avant que l’on se laisse submerger par un style décousu esthétiquement, mais qui peut parfois accompagner l’errance que le spectateur mène aux côtés d’un Frank qui part en vrille. Sur la route, Linde (Lily Gladstone) doit faire face à des bandits et autres bricoles qui la conditionnent à dépendre des hommes, mais que nenni. Sa personnalité surenchérit celles du duo, qui ne fait que rêver d’une vie meilleure. Mais le passé et le présent s’entremêlent, au même titre que deux époques, qui communiquent par l’image et l’art du mouvement, celui qui traverse la matière, qui se déforme et qui fusionne avec elle, tout cela à la fois. On serait tenté de dire que chacun possède son identité visuelle, en plus de son arc narratif, mais il faudra au moins un visionnage supplémentaire pour se convaincre d’une piste qu’on aura vainement usé.
Ce film regorge de possibilités et les passerelles sont nombreuses pour le spectateur, qui doit jongler avec subtilités qu’impose le réalisateur. Elles ne sont pas les plus limpides, mais il est toujours surprenant de constater comment on intègre le multivers à l’intérieur d’un personnage, dans une forme en mutation permanente. Cela laisse pourtant assez peu de place aux comédiens pour s’y faire et cela se ressent dans des scènes qui semblent se répéter, car l’imagination a ses limites. « Quantum Cowboys » constitue un alliage de pas moins de douze styles d’animation, du plus traditionnel au plus moderne, en passant par des prises de vue réel que l’on stylise assez pour nous plonger dans un conte en mouvement. Reste à définir ce qui tient de la mémoire, de la fiction ou de la réalité pour en comprendre la poésie.