Le franc succès de Casino Royale, premier volet avec Daniel Craig, donne des ailes aux producteurs, qui s’attèle à une suite qu’on veut sortir le plus vite possible, d’autant qu’elle reprend exactement les événements là où on les a laissés, ce qui fera la singularité de toute l’ère mettant ce comédien à l’écran. La précipitation n’étant jamais à la faveur du produit final, les scénaristes se démènent avant d’autant plus de frénésie que la grève de leur profession s’abat brutalement sur Hollywood : on fera donc avec, tout en bricolant en cours de tournage, pour un opus qui en subira lourdement les conséquences.


Les innovations mises en place sont évidemment poursuivies, que ce soit dans la sensibilité de Bond, sa soif de vengeance et l’esthétique brutale de la caméra à l’épaule. Mais le problème de l’écriture est patent à chaque étape du film : les personnages sont à peine esquissés, réduits à des fonctions, les scènes grandiloquentes en pilotage automatique, finies à l’aide d’une CGI franchement bâclée, et le rythme singulièrement problématique. Alors qu’on se retrouve face à un opus particulièrement court (1h44, le moins long de la saga, soit une heure de moins que Mourir peut attendre !), attestant de certaines limites dans l’existence des personnages, on ne nous épargne pas non plus des longueurs dans des discussions franchement vaines et peu pertinentes.


Tout ce qui nourrissait le plaisir d’une découverte semble déjà se muer en pilotage automatique : le caractère minéral de Bond cède à des invariants (le glamour, l’étalage du luxe) qui viennent considérablement en diluer l’intensité. Les femmes sont sous-exploitées, (une boudeuse et une bombe qu’on finit par noyer dans le pétrole), et peinent à succéder au nouveau type de personnage qu’avait tenté d’introduire Eva Green dans l’opus précédent. Il en va de même pour les séquences d’action : si la photo fait montre d’un certain soin, et que quelques lieux (l’opéra, la base finale) séduisent dans leur complexité, l’exploitation qui en est faite est systématiquement décevante, comme pour ce prologue de poursuite et de jeu sur les échafaudages, qui voit son inventivité massacrée par un montage épileptique et illisible.


On notera un plaisir chauvin à voir Mathieu Amalric passer de son créneau national de cinéma auteuriste radical à méchant international s’armant d’une hache contre ses ennemis : au moins sur cet aspect, le film sera parvenu à surprendre…

Sergent_Pepper
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les pétards mouillés, Vu en 2020, revu en 2020, Craig's List et Vu en 2023

Créée

le 8 oct. 2021

Critique lue 421 fois

13 j'aime

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 421 fois

13

D'autres avis sur Quantum of Solace

Quantum of Solace
Docteur_Jivago
6

Permis de Tuer

Cette vingt-deuxième mission pour l'agent Bond, Quantum of Solace, a la particularité d'être une suite directe à son prédécesseur, le remarquable Casino Royale, permettant à l'agent britannique...

le 23 nov. 2014

44 j'aime

2

Quantum of Solace
Jackal
7

Can I offer an opinion? I really think you people should find a better place to meet.

De Sienne à la Bolivie en passant par Haïti et l'Autriche, James Bond cherche à contrecarrer les plans de Dominic Greene, un magnat de l'écologie au service de la mystérieuse organisation criminelle...

le 7 avr. 2011

43 j'aime

33

Quantum of Solace
Ugly
4

Quantum of salade à la noix !

Je me suis volontairement infligé ce revisionnage pour voir si je n'avais pas rêvé quand je l'avais vu en salles, et en fait non, ma note reste inchangée, ce Bond est catastrophique. Voyons voir...

Par

le 16 sept. 2018

41 j'aime

76

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

618 j'aime

53