Ernest Dickerson a quelque chose de new-jersien dans sa manière d’appréhender le cinéma. C’est l’un de ces modestes artisans afro-américain issue de la mouvance du ghetto. L’ancien directeur photo de Spike Lee a eu mainte fois l’occasion de s’y intéresser et de livrer des « drames » affûtés qui prenait cet environnement pour toile de fond (Juice, Futuresport). Après avoir collaboré avec Tupac, le cinéaste a pu bosser avec le rappeur Ice-T, le plus petit dénominateur commun d’un groupe d’acteurs avec un CV long comme le bras (pour ne pas dire autre chose). Que la chasse commence ! réunit Rutger Hauer (Blade Runner) en esthète reptilien, Charles S. Dutton (Alien 3) en survivaliste vicelard, Gary Busey (Point Break) en psychiatre névrotique, John McGinley (Platoon) en cow-boy vindicatif, F. Murray Abraham (Le Nom de la Rose) en col blanc odieux et raciste ainsi qu’un jeune freluquet (William McNamara) fils à papa pour une traque haletante dans les bois. Inutile de vous préciser qui sera le gibier de potence dans cette variation des Chasses du Comte Zaroff qui envoie ce groupe de nantis sur les traces d’un clochard puant qui va leur en donner pour leur argent, et nous avec. Car s’il y a bien une chose que les chasseurs n’avaient pas anticipé, c’est qu’il ne faut jamais sous-estimer un homme qui n’a plus rien à perdre, fusse t-il noir et ressembler à un rastaquouère. Le vernis du misérabilisme esquissé en introduction s’écaillera bien vite face à cette jouissive mécanique de prédation. Pour autant, il est appréciable de retrouver Ice-T dans un rôle à contre-emploi et que l’on verra faire les poubelles, enterrer son meilleur ami et son chien, montrer de l’empathie envers son prochain avant de devoir crapahuter dans les bois pour sauver sa tête d’un bocal de formol qui lui est destiné.
À l’instar de Bambi, Que la Chasse Commence ! est un manifeste contre le plaisir régressif de la traque qui fait passer ses licenciés pour ce qu’ils sont réellement : des gros connards frustrés qui compensent leur mal-être par des gros calibre. Le réalisateur compose ainsi une belle galerie de fils de pute de la pire espèce qui soit, en les montrant dans leurs mondanités élitiste, débitant tout un tas d’inepties, de tirades élogieuses, et de conneries pour se donner des airs raffinés. Si on écarte la présence d’un afro-américain dans le camp des vilains, le film ne fait rien de ce terreau fertile à la haine raciale qui semble animer certains de ces participants (F. Murray Abraham et John McGinley en tête) et c’est peut-être aussi bien de laisser le spectateur se faire son propre point de vue dans ces rapports de classes bestiaux. Comme il convient de rééquilibrer les forces en présence pour pimenter un peu la partie, les chasseurs donneront de l’avance au traqué ainsi que l’opportunité de leur mettre des bâtons dans les roues en tirant comme des stormtroopers et en agissant stupidement, ce qui nous laissera tout le loisir d’admirer Ice-T en action. Le film ne fait aucune surprise dans son déroulement entre ses courses poursuites forestières, ses empoignes musclés, et ses guet-apens meurtriers, mais le tout est exécuté sérieusement avec juste ce qu’il faut de supplément d’âme pour nous faire passer un bon moment. On songe notamment à ce piège particulièrement tordu où l’un des tueurs se fait arrachés les deux jambes sur un véhicule piégé. Ernest Dickerson fait de ces montagnes de l’Oregon siennes avec une certaine aisance avant de délocaliser l’action sur son terrain de prédilection : le ghetto pour un dernier round que le héros sera certain de pouvoir remporter. La loi de la jungle n'est pas si différente de celle de la rue en définitive.
Si toi aussi tu es un gros frustré qui en a marre de toutes ces conneries, eh bien L’Écran Barge est fait pour toi. Tu y trouveras tout un arsenal de critiques de films subversifs réalisés par des misanthropes qui n’ont pas peur de tirer à balles réelles.