L'infâme du president
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le 29 janv. 2016
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Our Brand Is Crisis de David Gordon Greene (réalisateur du remarqué Joe), s’inspire du documentaire du même nom et réalisé en 2005 par Rachel Boynton. A travers une campagne présidentielle, ce film pose un regard accablant et parfois désespérant, sur le monde politique, devenu immense business mondialisé, dont sont exclues les convictions et la volonté de servir un peuple, au profit de carrières individuelles. Seuls comptent alors le pouvoir et la richesse, que l’on gagne avec une élection. Par le biais d’une histoire vraie, il passe en revue ce monde devenu sans morale, nécrosé par les mensonges, les vaines promesses, les vœux pieux et le clientélisme.
Le film reprend donc la trame du documentaire: Bolivie 2002, élection présidentielle, les candidats s’affrontent et parmi eux, deux hommes, deux « ombres » aux idées diamétralement opposées se détachent. L’un, capitaliste et pro-F.M.I. est soutenu (manipulé) implicitement par les U.S.A. à travers une entreprise de conseil en stratégie politique. L’autre pense avant tout à son pays: son peuple et son avenir. On suit la campagne, orchestrée de main de maitre par des Américains imposant, à un Bolivien dont ce n’est pas la culture, leurs méthodes: coups bas, mensonges, manipulations et surtout, diffamation et calomnie.
Pour ça, le film est passionnant bien qu’inutile, on aurait pu en rester au documentaire. Ce qui en fait le sel, c’est cette vision des coulisses d’une campagne ordurière, où tous les coups sont permis. Tout ce qui fait l’intérêt formel d’une fiction passe après le fond de l’histoire: l’intervention d’un pays du nord dans la vie politique d’un pays du sud. On repense évidemment à la mort de Salvador Allende, imputable à la C.I.A. et brillamment évoquée par Costa-Gavras dans Missing. Avoir fait de ce documentaire une oeuvre romancée, n’apporte en soit pas grand chose. Les états d’âmes des personnages sont moins intéressants que la partie d’échecs, qui se joue entre les deux stratèges, à travers leurs candidats respectifs.
Le film était prometteur, et même si David Gordon Greene peut faire encore mieux, son film Joe avait marqué, bien qu’arrivant après le plus abouti Mud. Au casting Sandra Bullock qui, forte d’une certaine expérience, semble vouloir suivre les traces de Matthew McConaughy et confirmer le virage amorcé avec Gravity. Depuis, elle semble vouloir se donner le temps de choisir ses films, mais son jeu reste assez limité et n’a pas trouvé cette profondeur, qui ferait d’une abonnées aux bluettes une actrice shakespearienne. Elle manque de subtilité, de nuance, forçant grimaces et gesticulations au détriment de la crédibilité. Alors Billy Bob Thornton, si peu présent, si trop absent, porte seul la classe, le talent et le charisme d’un acteur irréprochable.
Quant à David Gordon Greene, son travail est propre et sans éclat, ni reproches ni compliments, aucun instant de grâce dans la mise en scène, une bande originale dont on ne sait plus si on l’a entendue. Simplement, tout ça manque d’audace, de prise de risque formelle, d’envie de bousculer les codes préétablis du genre. Comme si le sujet suffisait à faire un film. Le seul reproche sera peut-être que tout cela se passe en Amérique latine, pas toujours réputée pour être un exemple de démocratie, le film venant grossir le trait. Comme si on venait confirmer les préjugés de certains sur les pays du sud, oubliant les vérités sur les pays du nord. Reste que ces stratèges politiques sont tout de même des maitres du jeu d’échecs.
Certains se plaindront d’un film caricatural, poussant loin l’idée d’hommes politiques corrompus par la soif de pouvoir. Ils oublieront que ce film s’inspire d’un documentaire qui lui-même, relate une authentique campagne électorale. Ils oublieront également que, lorsqu’un homme n’a pas de convictions, il se soumet à ses désirs et que, de tous les désirs, le pouvoir est celui qui fait perdre l’esprit et cela, David Gordon Greene le démontre parfaitement.
http://www.cineseries-mag.fr/our-brand-is-crisis-film-de-david-gordon-greene-critique/
Créée
le 4 févr. 2016
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