Queer est une œuvre climatique qui aborde la passion homosexuelle par un prisme atmosphérique – la mise en scène volatile qui donne l’impression que la caméra flotte dans les espaces qu’elle parcourt, les déplacements réitérés des protagonistes en une poignée de lieux topiques à la facticité empruntée à Querelle (Rainer Werner Fassbinder, 1982) – et météorologique, en lien constant avec la chaleur moite de Mexico et de ses environs. Le motif de la fièvre encadre, telle une métaphore filée, le récit : cette élévation de la température des corps traduit l’accélération du rythme des cœurs dans un cadre tout à la fois centralisé et marginal, humidifiant les vêtements, creusant les visages, oscillant sans cesse entre l’espace public et les espaces privés ; les séquences d’hallucinations individuelles ou collectives traduisent, sur le plan des sens, ce même brouillage des repères et des frontières. En cela, l’œuvre de William S. Burroughs ici adaptée dialogue avec tout un pan de la littérature d’expatriation tropicale, allant de Joseph Conrad (Heart of Darkness, 1899) à Malcolm Lowry (Under the Volcano, 1947) explicitement cité d’ailleurs, en passant par Stefan Zweig (Amok, 1922).
Luca Guadagnino ne peut s’empêcher de surenchérir, énumère les scènes d’amour physique ou d’invitation à l’amour durant lesquelles la nudité est recherchée pour elle-même, soucieux de briser l’icone Daniel Craig et de casser les canons de représentation de la nudité au cinéma, davantage réservée aux femmes. Le résultat, quelque peu desservi par ce goût pour les fulgurances, demeure intrigant et poétique, explore par la superposition de deux plans cette quête sans fin de la possession de l’autre, physique comme spirituelle, dont la conséquence est de renforcer le sentiment de solitude.