Bon ok, ce titre de critique est un peu putassier et ne rend pas vraiment justice à l'oeuvre mais je vais développer.
Le film n'est pas mauvais, loin de là. Lorsque je suis sorti de la salle, à la fois ému et perplexe, mes deux amis étaient bien plus positifs que moi à son sujet, le défaut qui m'a gêné est donc purement personnel. Et ce défaut, c'est le manque de parti pris fort pour traiter d'un sujet aussi sensible que celui du deuil durant l'enfance.
Pourquoi citer Del Toro dans mon titre, donc? Parce qu'avec son "Labyrinthe de Pan", le réalisateur Mexicain signait un conte noir et extrêmement dur, où l'imaginaire et le réel se mélangeaient pour dénoncer les horreurs du fascisme vécues par une petite fille. Esthétique unique, démarche cohérente et jusqu'au-boutiste, ce film était une pure réussite.
Le fait que "A Monster Calls" (oui, c'est plus court que le titre français, donc je l'utilise à partir de maintenant) traite d'un sujet tragique à travers le prisme de l'imaginaire et du fantastique ne suffit pas à le rapprocher significativement de l'oeuvre de Del Toro, bien sur. Mais j'ai l'intime conviction que, lorsque l'on mêle enfance et tragédie fantastique, on ne peut pas se reposer sur des structures et des techniques de narrations classiques pour ensuite tenter de les déconstruire vainement. Parce que c'est ce que fait, pour moi, "A monster calls".
J'ai mis 20 bonnes minutes à entrer dans le film, la faute à une réalisation très classique et à des situations vues et revues : Le petit garçon seul, bousculé par ses camarades de classe (tabassé, en fait), plein d'imagination, dont la mère est malade, et blablabla. Seul le jeu impeccable du jeune acteur principal (dont j'ai oublié le nom) m'a sorti de ma torpeur.
Toute cette première partie est, selon moi, traitée comme du "sous Spielberg".
Tout va beaucoup mieux (pour le spectateur, pas pour le petit garçon), lorsque le monstre (très réussi visuellement) fait sa première apparition, qui coïncide avec celle de Sigourney Weaver, très juste en grand mère autoritaire mais bienveillante. Bien loin de servir de simple exutoire fantasque au malaise du héros, ce simili-Silvebarbe à qui Liam Neeson prête sa voix caverneuse joue un rôle de psychothérapeute ambigu. Tantôt dans l'empathie ou l'agressivité, tantôt dans le mensonge protecteur ou dans la vérité la plus fondamentale, il constitue un personnage d'une rare beauté. Ses apparitions et ses histoires donnent notamment lieu à des séquences d'animation assez bluffante, il faut bien le dire, un peu dans le style de Michel Oslo.
Et tout en servant de guide à son jeune ami, notre monstre imposant tente également de briser les chaînes trop contraignantes d'une intrigue et d'une mise en scène convenues, en vain.
Le film m'a réellement ému, cela faisait même longtemps que je n'avais pas versé de larmes au cinéma (deux petites larmes, d'accord, mais des larmes quand même). Il faut dire que Felicity Jones, que je trouvais exécrable dans "Rogue One" est ici très convaincante en mère cancéreuse tentant de bercer son fils d'illusions, de le protéger. Ajoutez à cela le charisme et le naturel du jeune héros, particulièrement touchant dans ses excès de rage, et vous obtenez un duo impeccable. De plus, si je me plaignais plus haut d'une réalisation classique, les dernières minutes du film permettent de donner vie à des scènes virtuoses d'une grande intensité. Et puis la symbolisation du déni est tellement réussie et intelligente...
Du coup, ça nous donne quoi, à l'arrivée ? Un film sincère, d'une grande justesse et intelligence dans le traitement de ses thématiques, mais d'une balourdise handicapante dans l'évolution du scénario et des situations. Aaaarg, je te déteste film, pourquoi me déchires-tu de la sorte?
Allez: 6,5/10