Qui donc a vu ma belle ? par Alligator
Bon. C'est une comédie. Plutôt bonne que pas mal. Mais il demeure évident que Sirk a plus de facilité à manier le drame que la comédie. J'entends par là qu'il ne parvient pas à sortir ses personnages de la caricature comme il le fait si magistralement dans ses mélos.
La mère ici jouée par Lynn Bari est un monstre, una abomination de mère qui pousse sa fille, Piper Laurie, dans les bras d'un jeune homme riche pour qu'elle échappe à la modeste condition de son copain, Rock Hudson, juste bon à vendre des sodas. Sa fille d'ailleurs, lobotomisée, est infoutue de l'envoyer chier ou de mettre les voiles pour échapper à cette prostitution conjugale annoncée.
Là-dessus, un personnage truculent à souhait, un mauvais esprit frappeur vient comme un chien dans un jeu de quilles perturber ce petit monde. Le film est finalement plus un festival de pitreries et de gamineries chafouines perpétré par cet espiègle de Charles Coburn, génial polisson au grand coeur (il faut le voir sauver les éclopés du coeur ou du porte-monnaie et surtout regarder d'un oeil humide sa belle, défunte, et objet de ses souvenirs émus). Il est l'auteur des dialogues les plus percutants, les plus incisifs et drôles du film. Certaines répliques rappellent la fronde des Brackett, Wilder ou Lubitsch.
Ah si seulement Sirk avait réussi à dépasser ces personnages et les faire évoluer pas uniquement sous la forme de la farce avec ces caractères soulignés mais avec une bonne dose de courage, quelques éclairs de lucidité, un peu plus d'humanité en quelque sorte, son récit aurait eu beaucoup plus fière allure. Dommage.
Il reste une bonne comédie, enlevée, dotée d'une photo, de décors et de costumes habillés par un très joli technicolor et un Charles Coburn en pleine forme.