Attention, cette bafouille peut contenir des spoilers. Merci de votre compréhension.
Après avoir épaté son monde avec son excellent premier film Je suis vivant ! (1970), Aldo Lado profite du retardement du tournage du Dernier Tango à Paris de Bertolucci dont il est l'assistant pour tourner son second long-métrage Qui l'a vue mourir ?. Tourné dans sa Venise natale, ce film est pour Lado un échauffement pour son prochain projet déjà sur les starting blocs, La Cosa buffa (1972) qu'il doit tourner dans la même ville.
Avec son couple faisant le deuil de leur fille dans la cité des doges, vous vous direz qu'Aldo Lado a tout pompé sur Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg. Que nenni : Qui l'a vue mourir ? est antérieur au film de Roeg ! D'ailleurs, malgré les efforts de son bon et beau couple d'acteurs George Lazenby et Anita Strinberg, je ne trouve pas que le deuil comme nœud dramatique du film est ce qu'il y a de plus réussi, même si ça ajoute au modèle du giallo une forte tristesse et une dimension émotionnelle rare au genre. Le vrai point fort de Qui l'a vue mourir ? est pour moi son portrait de Venise sale et corrompue. C'est bien simple : la seule fois où le film adopte le point de vue touristique sur la ville, avec ses gondoles et son raffinement, c'est pour un enterrement ! Pour le reste, Lado, s'y sentant comme un poisson dans l'eau, la montre comme une ville aussi tortueuse qu'une autre, mettant en valeur bâtiments abandonnés et ruelles sordides. Le ver est dans le fruit, y compris avec ses habitants : l'élite bourgeoise (vendeur d'art, avocat, prêtre) n'y est qu'une bande de débauchés , dissimulant leurs orgies derrière leur apparente respectabilité, Lado filant une dénonciation du pouvoir déjà à l'œuvre dans son premier film. Une Venise souillée qui fait tout le charme de ce giallo aussi vénéneux et baroque que les meilleurs représentants du genre, pourvu au passage d'une formidable musique d'Ennio Morricone à base de cruelles comptines d'enfants. Ce qui me fait penser que Qui l'a vue mourir ?, pour ceux qui trouvent les ressemblances avec le film de Nicolas Roeg persistantes, peut aussi être vu comme une belle version vénitienne de M le maudit...