Who Framed Roger Rabbit constitue la quintessence du cinéma de Robert Zemeckis, tout entier tourné vers le choix d’une thématique collective abordée par le prisme d’un individu qui se situe en marge, ici un toon secondaire exploité dans une série où il ne cesse d’être violenté, traité à la manière d’un défi technique et technologique : intégrer ces êtres dessinés au sein de prises de vue réelles dans les studios hollywoodiens, redoubler le monde des hommes par Toonville dans laquelle s’égarera un temps notre enquêteur. La maestria de réalisation n’a d’égale que les libertés de tons et l’humour à égale destination des enfants et des adultes : les propos graveleux, les sous-entendus licencieux émaillent un burlesque d’ensemble qui assure le spectacle sans jamais corrompre un sentiment diffus mais tenace de mélancolie. Burlesque qui entend, comme l’indiquent les propriétés dudit genre, représenter un sujet grave avec légèreté : le bien-nommé juge DeMort, allégorie de la faucheuse, terrifie le spectateur en incarnant cet esprit de contrôle et de rigueur morale à même de censurer les toons, en témoigne sa mixture capable de les dissoudre. La révélation en clausule, qui range le bourreau parmi les êtres de fiction, figure une menace intestine des plus sournoises pouvant raisonner métaphoriquement avec la situation du cartoon à la fin des années 80.
Voici donc un polar hautement parodique, et en cela cinéphile, qui multiplie les hommages et références cachées avec gourmandise pour mieux habiller un propos plus sinistre : la formule « that’s all folks » clôt le dernier tour de piste des dessins animés découverts et aimés par plusieurs générations auxquelles appartiennent cinéaste, producteurs, artistes et artisans à l’œuvre ici. L’idée d’utiliser l’expression « mourir de rire » au sens propre nous le rappelle au passage. Un petit bijou.