Il est dommage qu’une petite histoire – comprenons, une histoire inscrite dans la banalité du quotidien et mettant en scène monsieur et madame tout-le-monde – ne donne lieu qu’à un petit film, si petit que ses petites ambitions limitent l’ampleur dramatique qu’un tel récit aurait pu prendre. Car Qui Vive sait inscrire ses personnages dans une réalité sociale restituée avec justesse : suivre Chérif dans sa routine comprenant vie chez ses parents, emploi de vigile dans un magasin, concours d’infirmier et relation amoureuse naissante avec l’institutrice de l’école d’à côté passionne, mieux immerge le spectateur dans un microcosme qu’il ne connaît peut-être pas bien, celui des cités rennaises. Et l’originalité du traitement du néoréalisme social réside dans l’onirisme qui l’enveloppe, à la manière de ces nappes musicales signées Sayem qui scandent le film et permettent aux voyages en bus de décupler la puissance esthétique du mouvement.


Cependant, une fois les enjeux posés et l’accident survenu, le long métrage se fige dans les procédures mises en scène et rebat, sans jamais les dépasser, les cartes de la tragédie sociale. Et ces figures que nous avons vu vivre, aimer et espérer se sclérosent, elles ne véhiculent ni l’émotion d’une crise intérieure ni l’absence d’émotions qui en serait l’expression privilégiée. En résulte une impression de sur-place qui enferme le film dans un cahier des charges malheureux, quoique pertinent. Manque un parti pris dramatique et esthétique, manque un risque qui, seul, aurait permis à Qui Vive de prendre de la hauteur afin de proposer une lecture plus intelligente de son sujet. Reste un film intrigant et campé à la perfection par son duo de tête, Reda Kateb et Adèle Exarchopoulos. Une œuvre paradoxalement trop sur le qui-vive.

Créée

le 19 févr. 2020

Critique lue 268 fois

2 j'aime

Critique lue 268 fois

2

D'autres avis sur Qui vive

Qui vive
PatrickBraganti
7

Garçon sans bande

Filmé d’abord en marge après avoir été vu au travers d’une caméra de surveillance, Chérif (Reda Kateb, comme d’habitude impérial) va envahir au fil des scènes suivantes le centre de l’écran comme si...

le 12 nov. 2014

10 j'aime

1

Qui vive
Val_Cancun
5

L'impasse

Un film social dans la veine naturaliste, qui esquisse le portrait d'un trentenaire un peu paumé, et montre bien la difficulté pour un jeune de cité d'endosser un rôle symbole d'autorité (ici un job...

le 24 juin 2019

9 j'aime

2

Qui vive
cinematraque
3

Chérif fais-toi peur !

L’événement de la sélection ACID 2014 était incontestablement la présentation de Qui Vive de Marianne Tardieu, dont l’affiche laissait augurer d’un casting sur lequel très peu de réalisateurs, même...

le 17 mai 2014

8 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

89 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14