Influencé par l'esthétique des séries et autres téléfilms, Raining Stones, réalisé par Ken Loach qui d'ailleurs rappelons-le est souvent passé par la télé, est un drame social ancré dans une Angleterre post-thatchérisme minée par le chômage et la précarité qui en découle.


Musique de fond pour marquer le suspens ou la peur, pour créer une tension ou tromper le spectateur, personnages simples et proches du peuple, format plutôt court, enchaînement des intrigues, … autant d'éléments qui appartiennent à la fois au téléfilm qu'au film. La frontière entre les deux est donc ténue, toutefois il demeure toujours préférable de voir un bon téléfilm qu'un mauvais film.


Avec Raining Stones, on trouve son compte. Bien que les thèmes abordés par Loach nous apparaissent familiers, il parvient à en faire une nouvelle variation qui sait nous prendre aux tripes au gré de la descente aux enfers de Bob. Celui-ci, par un symbolisme de registre comique, mouton égaré du troupeau (scène initiale) puis, comme un mauvais présage, littéralement aussi, dans la merde jusqu'au cou, veut à tout prix lutter contre sa misérable condition sociale et s'en sortir mais n'en a guère les moyens, faute à un système économique en déliquescence n'épargnant pas la classe prolétaire (“the witch is dead” scandera-t-on lors de la mort de la “dame de fer”) mais aussi faute à son manque de bon sens comme le soulignera le prêtre (figure morale du film). De ce dualisme situant Bob entre la victime impuissante d'un système le dépassant et le cas social un peu bête réagissant incorrectement aux adversités (s'endetter encore plus, parier, fumer, boire, …), Loach crée chez son public à la fois de l'empathie et un rejet d'ordre moral, sentiments doubles qu'éprouvent également le prêtre ou son épouse, ou encore - mais séparément - Tommy son ami indéfectible en opposition à l'usurier (bouc-émissaire d'une économie libérale injuste et cruelle).


Si la teneur dramatique du film atteint une intensité notable (la scène de la visite de l'usurier étant le moment le plus fort) mettant en scène des acteurs sincères (parfois non prévenus à l'avance des scènes à tourner) jouant leur propre réalité (le casting se fait d'ailleurs en tenant compte du vécu des acteurs au passé en prise aux difficultés socio-économiques), Ken Loach sait admirablement contrebalancer cela par des moments de franche rigolade, d'un humour proche de la farce. Et quoique la tragédie semble proche, il s'en éloigne par le tour de force de la fin du film. Le rythme haletant ne permet pas non plus de trop s'apitoyer, mettant certes la réflexion en veille mais au profit d'une palette émotionnelle assez ample et juste. Enfin, en réponse à ceux qui voient un peu trop de pathétique dans Raining Stones, rappelons que ce type de drame intime existe dans la réalité, trop souvent hélas, et que s'ils considèrent que Loach fait preuve de facilité en ajoutant quelques larmes, rétorquons qu'il fait surtout preuve de courage en dénonçant les conséquences d'une sacro-sainte économie individualiste que peu osent critiquer outre-manche.

Marlon_B
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le 15 janv. 2018

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