Ralph 2.0
6
Ralph 2.0

Long-métrage d'animation de Rich Moore et Phil Johnston (2018)

Article original sur LeMagduciné


Ralph 2.0 est une oeuvre paradoxale, qui alimente deux sentiments bien distincts. Il y a premièrement, un sentiment assez horrifié devant tant de publicités, devant tant de placements de produits, devant un film qui nous harcèle de marques comme si l’on rentrait dans un centre commercial Disney sous la contrainte. Ralph 2.0 est l’anti Ready Player One, qui lui aussi empilait les références mais en honorait la symbolique.


Mais là où le film de Steven Spielberg se voulait être une ôde à la culture geek et à la connaissance de la mémoire collective qui rendait hommage à une certaine forme de nostalgie, Ralph 2.0 devient, quant à lui, une simple vitrine, une publicité de 2H qui matraque avec insistance les bienfaits de chaque marque et nous explique en quoi il faut utiliser l’interface qu’est Internet. Pendant que le premier opus rendait un hommage assez doux et passionné à nos souvenirs de joueurs d’arcade, cette suite s’écarte de sa propre naïveté pour s’empêtrer dans un cynisme qui parfois, vire même au malaise.


Il est bizarre, voire inquiétant de voir un film d’animation Disney, destiné aux enfants ou à la famille dans sa globalité, nous montrer ses deux protagonistes faire l’apologie des Pop – Ups, se saisir du Dark Web pour retrouver une amitié, se conditionner financièrement à Ebay et ses tarifs démesurés, et tenir un propos complaisant sur la célébrité sur Internet et la liberté d’expression par le biais des commentaires : pointer du doigt la haine qui se propage sur Internet et son hypocrisie aurait mérité une séquence plus fournie et ludique qu’une simple séquence sentencieuse « il ne faut pas lire les commentaires sur Internet ». Malheureusement le film quitte donc son environnement nostalgique et bariolé de jeux vidéos, et suit les sirènes de la Wifi et d’Internet. Au delà de la mocheté grisâtre du design de la matrice, de cette faible représentation des réseaux, de la laideur entière de l’animation malgré les belles scènes dans le jeux vidéos de course où Vanellope se sent enfin elle même, c’est cette avalanche de marketing qui nous épuise vite, cette morale sur l’image et cet amalgame qui consiste à faire le buzz par l’humiliation et le lavage du cerveau de la masse où chaque adolescent devant son écran semble lobotomisé par ce qu’il regarde. Rare de voir un film d’animation parler de réseaux, par le simple biais de canaux et non pas par le biais de rencontres. De ce point de vue là, le film n’en fait jamais la critique, mais au contraire, en décrit la miraculeuse hégémonie virale. Ralph 2.0 aurait pu faire un véritable pamphlet internet mais n’en reste qu’un dévoué serviteur.


Mais alors que l’emballage est indigeste, la forme délicieusement fade voire dangereuse, Ralph 2.0 étonne, émerveille par le biais d’une note d’intention que l’on ne voyait pas venir : sa description adulte de l’amitié et de ses dérives masculinistes. Car le cœur même de l’ouvrage se révèle être ce duo d’amis: Vanellope et Ralph. Alors qu’elle semble vouloir découvrir le monde et vivre dans un quotidien qui la surprend chaque jour, lui semble se satisfaire de son train train quotidien, de ses habitudes anxiogènes. Et il fera tout, quitte à la compromettre et la mettre en danger, pour la garder à ses côtés.


Et même si la morale est sauve, et que le film tend à lâcher un happy end qui satisfasse tout le monde, le film a cette belle idée de mettre en garde face à l’oppression, à la manipulation amicale dévisageant le manque de contrôle de l’autre. Chacun doit être libre de suivre sa voie sans que cela signifie la fin d’une amitié et dans un climax qui relève le niveau visuel d’un film bien terne, le film trouve sa simple beauté, son étincelle et aurait mérité un autre décorum pour nous conter sa douloureuse et émotive amitié

Velvetman
4
Écrit par

Créée

le 18 févr. 2019

Critique lue 2.2K fois

49 j'aime

11 commentaires

Velvetman

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

49
11

D'autres avis sur Ralph 2.0

Ralph 2.0
Walter-Mouse
7

Disney Infinity

Il faut remonter à 1990 lors de la sortie de Bernard et Bianca au Pays des Kangourous pour voir avec stupéfaction les studios d'animation légendaires crées par Walt Disney se lancer dans un challenge...

le 26 nov. 2018

43 j'aime

2

Ralph 2.0
Behind_the_Mask
4

Très très haut dépit et basse résolution

En ce début d'année 2019, le masqué se pose pas mal de questions. En forme de crise existentielle, comme celle qui secoue de manière assez niaise la petite (et parfois insupportable) Vanellope...

le 14 févr. 2019

40 j'aime

19

Ralph 2.0
Nick_Cortex
8

Net plus ultra

Croyez-le ou non, chez Walt Disney Animation Studios, les suites de leurs films d’animation, ce n’est pas chose fréquente. Il y a le cas des nombreuses suites "direct-to-video" mais elles sont le...

le 13 févr. 2019

38 j'aime

4

Du même critique

The Neon Demon
Velvetman
8

Cannibal beauty

Un film. Deux notions. La beauté et la mort. Avec Nicolas Winding Refn et The Neon Demon, la consonance cinématographique est révélatrice d’une emphase parfaite entre un auteur et son art. Qui de...

le 23 mai 2016

276 j'aime

13

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Star Wars - Le Réveil de la Force
Velvetman
5

La nostalgie des étoiles

Le marasme est là, le nouveau Star Wars vient de prendre place dans nos salles obscures, tel un Destroyer qui viendrait affaiblir l’éclat d’une planète. Les sabres, les X Wing, les pouvoirs, la...

le 20 déc. 2015

208 j'aime

21