Article original sur LeMagduciné
Ralph 2.0 est une oeuvre paradoxale, qui alimente deux sentiments bien distincts. Il y a premièrement, un sentiment assez horrifié devant tant de publicités, devant tant de placements de produits, devant un film qui nous harcèle de marques comme si l’on rentrait dans un centre commercial Disney sous la contrainte. Ralph 2.0 est l’anti Ready Player One, qui lui aussi empilait les références mais en honorait la symbolique.
Mais là où le film de Steven Spielberg se voulait être une ôde à la culture geek et à la connaissance de la mémoire collective qui rendait hommage à une certaine forme de nostalgie, Ralph 2.0 devient, quant à lui, une simple vitrine, une publicité de 2H qui matraque avec insistance les bienfaits de chaque marque et nous explique en quoi il faut utiliser l’interface qu’est Internet. Pendant que le premier opus rendait un hommage assez doux et passionné à nos souvenirs de joueurs d’arcade, cette suite s’écarte de sa propre naïveté pour s’empêtrer dans un cynisme qui parfois, vire même au malaise.
Il est bizarre, voire inquiétant de voir un film d’animation Disney, destiné aux enfants ou à la famille dans sa globalité, nous montrer ses deux protagonistes faire l’apologie des Pop – Ups, se saisir du Dark Web pour retrouver une amitié, se conditionner financièrement à Ebay et ses tarifs démesurés, et tenir un propos complaisant sur la célébrité sur Internet et la liberté d’expression par le biais des commentaires : pointer du doigt la haine qui se propage sur Internet et son hypocrisie aurait mérité une séquence plus fournie et ludique qu’une simple séquence sentencieuse « il ne faut pas lire les commentaires sur Internet ». Malheureusement le film quitte donc son environnement nostalgique et bariolé de jeux vidéos, et suit les sirènes de la Wifi et d’Internet. Au delà de la mocheté grisâtre du design de la matrice, de cette faible représentation des réseaux, de la laideur entière de l’animation malgré les belles scènes dans le jeux vidéos de course où Vanellope se sent enfin elle même, c’est cette avalanche de marketing qui nous épuise vite, cette morale sur l’image et cet amalgame qui consiste à faire le buzz par l’humiliation et le lavage du cerveau de la masse où chaque adolescent devant son écran semble lobotomisé par ce qu’il regarde. Rare de voir un film d’animation parler de réseaux, par le simple biais de canaux et non pas par le biais de rencontres. De ce point de vue là, le film n’en fait jamais la critique, mais au contraire, en décrit la miraculeuse hégémonie virale. Ralph 2.0 aurait pu faire un véritable pamphlet internet mais n’en reste qu’un dévoué serviteur.
Mais alors que l’emballage est indigeste, la forme délicieusement fade voire dangereuse, Ralph 2.0 étonne, émerveille par le biais d’une note d’intention que l’on ne voyait pas venir : sa description adulte de l’amitié et de ses dérives masculinistes. Car le cœur même de l’ouvrage se révèle être ce duo d’amis: Vanellope et Ralph. Alors qu’elle semble vouloir découvrir le monde et vivre dans un quotidien qui la surprend chaque jour, lui semble se satisfaire de son train train quotidien, de ses habitudes anxiogènes. Et il fera tout, quitte à la compromettre et la mettre en danger, pour la garder à ses côtés.
Et même si la morale est sauve, et que le film tend à lâcher un happy end qui satisfasse tout le monde, le film a cette belle idée de mettre en garde face à l’oppression, à la manipulation amicale dévisageant le manque de contrôle de l’autre. Chacun doit être libre de suivre sa voie sans que cela signifie la fin d’une amitié et dans un climax qui relève le niveau visuel d’un film bien terne, le film trouve sa simple beauté, son étincelle et aurait mérité un autre décorum pour nous conter sa douloureuse et émotive amitié