On peut se demander ce qui a pu donner l'idée à Rich Moore et Walt Disney Animation Studios de faire une suite à l'un de leurs films d'animation qui semblait pourtant s'adresser à un public de niche, en particulier après le succès planétaire de Zootopie et la tradition du studio de ne jamais poursuivre une aventure terminée (Bernard et Bianca au Pays des Kangourous était la seule exception à ce jour). Mais l'ancien réalisateurs de quelques des meilleurs épisodes des Simpson (Lac Terreur, Mon pote Michael Jackson, Le Monorail et j'en passe et des meilleurs) est particulièrement malin, il sait que l'univers de Wreck-It-Ralph peut parler au public, en particulier à la génération actuelle. C'est donc tout logiquement en prenant cette fois Internet comme décors qu'il va, lui et Phil Johnston (scénariste du premier film et de Zootopie), dissimuler un message à la fois intemporelle et dans l'air d'aujourd'hui tout en apportant le point final à l'évolution de Ralph la Casse et Vanellope von Schweetz.
Ne bénéficiant pas de l'apport de Jennifer Lee au scénario et se concentrant cette fois dans un univers connu de tous aujourd'hui, Rich Moore a pleinement l'occasion d'exploiter tout son talent dans la création d'un environnement riche, dans l'humour cartoonesque et le plus important, la satire sociétale.
En parfait accord avec le besoin de Vanellope de vivre quelque chose de nouveau et d'époustouflant, le monde d'Internet bénéficie d'une créativité au-delà de tout ce que le spectateur peut imaginer. Un simple néophyte peut se régaler de tous les détails visuels dont regorge le cyberespace tandis qu'un connaisseur s'amusera à remarquer tous ses sites les plus populaires, l'inventivité avec laquelle il s'accorde avec notre réalité et en quoi il impacte l'évolution de nos deux bras cassés. Jetant un regard à la fois neutre mais véritablement réaliste d'Internet, de ses mauvais côtés comme ses qualités, aucun jugement. La façon la plus vraie de parler de cet outil à son niveau le plus juste pour nos personnages.
Nous avons aimé voir Raph et Vanellope accepter le regard des autres et leur place dans leur univers vidéoludique programmé, nous assistons cette fois aux choix auquel ils doivent faire lorsque cette place ne leur suffit plus et qu'un monde aux possibilités infinis s'offre à eux.
C'est là-dessus que Ralph 2.0 évite un piège auquel n'importe qui d'autre aurait pu tomber, oublier nos personnages pour ne se concentrer que sur ce qui semble le plus artificiellement attrayant. C'est pourtant en restant accrocher à eux que l'histoire laisse le plus d'émotion la traverser.
L'amitié que nous avions vu se construire avec tant d'attachement dans le premier film et que l'on croyait à toute épreuve est mise à mal lorsque vient la possibilité de se séparer. Vanellope veut pouvoir évoluer et vivre quelque chose de nouveau tandis que Ralph veut garder les choses comme elles sont. Inutile de se demander si Rich Moore et Phil Johnston lancent une critique vive du système dont Internet est devenu le principal véhicule car il n'y a aucun compromis dessus, le sous-entendant même à haute voix lors de la scène la plus forte du film.
Ralph cumulant à lui seul toute les fautes qui gangrènent le plus le web et la culture populaire
(reproduction des créations d'autrui pour se faire de l'argent, s'accaparer ce qui ne lui appartient pas, croire que ce que l'on aime nous appartient de droit, garder les choses comme elles sont, même si ça implique de les détruire) pour garder auprès de lui la seule amie qui le voit comme le héros qu'il est au fond du cœur mais qui souhaite s'affranchir après avoir assisté à cette nouvelle vie (les conseils de Shank, la séquence avec les princesses).
Tout ça aboutissant à un climax spectaculaire où une masse solitaire en quête de compagnie ne mène qu'à la destruction symbolique de cet univers qui devrait pourtant permettre de réaliser tout ce que l'on souhaite.
Un message hautement symbolique et plus que jamais d'actualité aujourd'hui mais qui gagne réellement en pertinence car notre duo en fait les frais autant qu'il l'exploite.
Et bien sûr, impossible de parler du film sans parler de la séquence déjà culte du passage chez Oh my Disney ! Où toute les licences de la compagnie sont réunis pour un véritable festival de clins-d’œil absolument jouissif et bien dosés pour le fanboy Disney (que je suis, au passage) qui décortiquera la moindre seconde tant chacune d'entre elles regorgent de détails. Le passage avec les Princesses, en plus de réunir les personnages les plus populaires de l'animation de se côtoyer, éclaire subtilement Vanellope dans sa crise existentielle
(dommage que sa chanson composée par Alan Menken, déterminante dans son choix ne soit pas assez franche dans sa dérision).
Et autre ingéniosité réconfortante, le film ne s'en moque pas. Le studio assume pleinement sa formule classique aujourd'hui, ce ne sont que des projections correspondant tout logiquement au cliché dont Internet les affuble, elles ne sont moquées qu'à travers une image volontairement ridicule. Mais les voir toute ensemble reste le rêve de toute une vie.
A l'image de cette séquence, tout le film dispose d'un humour brillant. De certaines blagues qui relèvent du génie pur et simple (la première scène post-générique) aux références parfaitement bien dosées, le point de vu sur les aspects les plus explorés du web et ses contradictions admirablement tournées (Spamley, le comportement des internautes, le buzz immédiat), l'incompréhension de la vieille génération vers la nouvelle (Ralph), au comportement des princesses à l'auto-dérision assumée jusqu'au bout. Rich Moore comprend parfaitement les codes qu'il réutilise et les ré-adapte de façon à ce que chaque gag raconte quelque chose. Les pistes sont tellement riches que le film ne vieillira jamais alors qu'il parle pourtant de quelque chose de profondément ancré dans notre époque.
En fait, Ralph 2.0 représente exactement ce qu'on attend d'une suite. La juste continuité de ce qu'on a vu et l'exploitation du focus émotionnel construit auparavant
(comment ne pas avoir un pincement au cœur quand Ralph et Vanellope se quittent en sachant que leur réunion était ce qui les faisait s'accepter ? Comment ne pas avoir un pincement au cœur en les voyant accepter la douleur de ne plus se revoir en échange du bonheur de l'un de savoir l'autre heureux ?).
Pas mal pour un studio qui n'excelle pas dans le domaine.
Rien de moins venant de Rich Moore et Phil Johnston qui ont parfaitement démontré, comme leurs comparses du leadership créatif de Walt Disney Animation Studios, avoir une parfaite compréhension de l'héritage qu'ils ont entre les mains. En attendant de voir si Jennifer Lee saura accomplir le même exploit avec la suite de La Reine des neiges l'an prochain.