Welcome to Hope, indiquait pourtant le panneau d’entrée de la ville.
Le seul Eden, c’est celui du premier plan : une étendue d’herbe ensoleillée sur laquelle des enfants jouent, du linge qui sèche dans la brise venue du lac. Une carte postale.
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It's just a quiet little town. In fact you might say it's BORING. But
that's the way we like it. I get paid to keep it that way.
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Voilà l’Amérique post Viêt-Nam, qui ne demande rien d’autre que de gentiment consommer en ignorant tout du vaste monde dans lequel ses boys ont répandu le sang. Ses montagnes, sa forêt, sa chasse, sa police de proximité.
Et voici John Rambo, la tignasse un peu trop longue, la tronche un peu trop marquée par la barbarie d’un autre monde.
First Blood, c’est l’histoire d’un malentendu, d’une mésentente. Celle d’un pays qui ne sait pas se regarder dans un miroir, d’un homme qui n’a qu’un rétroviseur traumatique devant les yeux, d’un sheriff qui croit représenter la loi et protéger sa communauté.
Puisque vivre ensemble n’est plus possible, puisque le langage est inefficace, puisque de la civilisation, il ne reste que des caves sous néon qui sont autant d’échos de la violence passée, il reste le corps. La fuite. La nature. L’instinct. A la faveur d’un retour à la forêt primale, d’une renaissance par extraction des entrailles de la terre, Rambo laisse la machine folle parler en lui.
In town you're the law, out here it's me.
Ted Kotcheff l’avait déjà brillamment démontré dans Wake in Fright : il n’y a pas de camps, il n’y a pas de coupables : chacun a ses raisons, et au final, c’est l’homme qui se révèle : qu’elle soit apeurée ou qu’elle montre les crocs, c’est la bête qui surgit.
Nul besoin d’exotisme pour trouver les racines du mal : l’Amérique a beau exporter ses machines de guerre, elles finissent par revenir, et quand elles ne s’autodétruisent pas, peuvent finir par dévorer leurs géniteurs.
Puisqu’ils ont versé le sang les premiers (They drew first blood, répète Rambo à son supérieur), la mécanique de la réplique s’engage. Mais la progression du film vers l’action la plus franche (poursuite, cascades, explosions, gunfights, le tout sous les oripeaux d’une BO plantureuse) est d’une mélancolie épaisse. Nulle jouissance par la vengeance, mais l’effroi d’un homme déversant son désespoir sur une société qui le rejette. Tout y passe : la station essence, les boutiques, les devantures : que ce monde qui l’a engendré disparaisse avec lui, dans des gerbes de feu et de plomb.
Dans cette catharsis, une seule issue : celle d’un retour aux mots, d’une occasion enfin donnée de donner la parole à l’enfant qui gémissait jusqu’alors par l’entremise de la poudre. Et des larmes pour l’éteindre, le temps d’une confession qui dit toute l’horreur sur laquelle se construit ce que les citoyens appellent la civilisation.
(Merci aux vives recommandations des irréductibles de SC qui m'ont encouragé à dépasser mes a priori pour voir ce film)