Après le dégraissage brut et sans concessions de John Rambo, dire qu'on attendait le nouvel épisode avec impatience relevait de l'euphémisme. Barbare et haut en couleur, la nouvelle version du soldat américain le plus connu et populaire se voulait plus âpre et désabusée, utilisant la violence sans idéal autre que rétablir un modeste équilibre en combattant le mal par le mal. Prendre la direction du Mexique, avec les mises à jours marquantes de cette décennie (la saga Sicario) était donc un choix logique et très stimulant, la guerre se déplaçant dès lors chez Rambo, juste rétribution pour une vie de combat.
Soyons honnête, le scénario n'a aucune épaisseur, le pitch et la bande annonce résument intégralement le film. C'est donc les portraits de personnages, puis les méchants qui font monter les enchères, la petite taloche du héros et enfin le grand massacre. Assez sommaire comme besogne, même si l'ambiance mexicaine est plutôt bien retranscrite dans le film, imprégnant l'intégralité du métrage (Adrian Grunberg est un habitué). Le film est à ce titre assez déséquilibré, très bavard dans sa première partie et pas toujours très subtil dans ses tentatives (la séquence flashback dans les tunnels, la musique favorite de John...), et se lâchant dans le bourrinage seulement à partir de la moitié du métrage, ce qui agacera un peu les amateurs de Rambo nouvelle génération qui auraient voulu un peu plus de badasserie. Toutefois, Stallone a compris la leçon, le gore est de retour, et l'action dopée à la tripaille fonctionne toujours aussi bien. Drive et son marteau tout propre vous avait frustré ? Hé hé...
Admettons le, après toutes leurs saloperies, voir des racailles mexicaines débitées à la chaîne a de quoi satisfaire (curieux de lire les réactions au film quand il sortira, le lynchage pourrait surpasser celui que subit Rambo III), mais sur le fond, il ne reste pas grand chose. Comprenons que Rambo n'a jamais été une saga très réflexive, mais elle avait régulièrement des postulats évocateurs, forts. La déshumanisation dans le premier, la lutte contre l'occupant dans le III, une rédemption impossible dans le IV. Avec le second qui se révèle être le plus médiocre de la saga (son message d'abandon des prisonniers se dilue dans le grotesque), ce cinquième brille à peine plus, cherchant dans cette confrontation à domicile un air de conclusion, de boucle qui nous trouve jamais vraiment sa validité. Le seul plan véritablement évocateur est Rambo silencieux sur la tombe de ses parents pendant que les mexicains soulèvent de la poussière au loin (le fan service tape aussi dans l'outrance au niveau des accessoires). C'est peu. Au moins, nous sommes divertis et le personnage ne perd pas en carrure (c'est le film où il est le plus malmené), sans parvenir à retrouver le souffle de son prédécesseur. A voir pour sa jolie photographie et ses grosses saillies gores, sans hélas s'attendre à un monument d'action sous pression. Question ampleur, on pourrait presque oser la comparaison avec Le dernier rempart, à la différence que Rambo ne déploiera aucun humour et se permet de malmener un peu ses personnages, recherchant la satisfaction dans la brutalité. Malheureusement, le déséquilibre est visible, et on espère que le final ne sera pas une conclusion de saga, cet opus se révélant clairement une déception en comparaison de son modèle (il essaye de reprendre à son compte l'impossible rédemption, mais c'est là aussi léger). C'est toutefois nettement moins frustrant que Creed II, mais la fin de carrière de Stallone commence à sentir la conserve réchauffée.