J'ai vu Rampage il y a 3 ans de cela, à l'Etrange festival, la première fois que je suis allé là-bas, uniquement pour ce film. Je n'étais pas aussi renseigné que je ne le suis aujourd'hui, la seule séance qui m'intéressait était celle du dernier Uwe Boll en date. J'aurais bien vu Postal juste après, tant ce que le réalisateur disait lors du question-réponse après Rampage était intéressant, mais j'avais cours le lendemain matin.
De Boll, justement, quand j'ai décidé d'aller à cette projection de l'Etrange festival, je n'avais vu qu'house of the dead, que j'avais totalement haï, et Postal, que j'avais adoré au point de bien vouloir voir Rampage, croyant volontiers le site Devildead qui disait que c'était le meilleur film d'Uwe Boll. Est-ce que ça voulait dire quelque chose à l'époque ?
Je crois qu'ils l'avaient vu au Marché du film à Cannes, à une époque où je ne comprenais pas ce que c'est ni pourquoi je ne pouvais pas trouver de divx sur le net.
En fait, j'avais vraiment envie de le voir, maintenant que j'y repense. Je ne sais comment, j'ai convaincu un mec qui ne connaissait Uwe que par mes propos enflammés sur house of the dead de venir à la séance avec moi.
Il avait adoré, moi paradoxalement j'étais un peu plus partagé.
Dans mes souvenirs, j'avais bien aimé, mais certaines choses m'avaient vraiment dérangé, et les explications d'Uwe himself m'avaient un peu plus convaincues, quoiqu'avec le recul je n'étais plus sûr d'y adhérer totalement.
Ca ne m'a pas fait de mal de revoir le film ce soir.

La caméra-épaule qui bouge tout le temps m'a moins dérangé, peut-être parce que j'étais au courant cette fois et que je m'attendais à pire. J'ai quand même l'impression que ça tremblait moins que dans mes souvenirs, j'avais gardé en tête ce plan de Bill qui sort de chez lui et est suivi par une caméra dans son dos, parce qu'il m'avait particulièrement dérangé, mais là ça passait, bizarrement. Peut-être que c'est le fait que je l'avais vu sur grand écran...
Ce qui est plus embêtant, ce sont ces petits zooms au milieu d'un plan, comme si le caméraman avait mal cadré et voulait arranger ça, c'est pas très joli.
J'ai quand même l'impression que Boll fait filmer n'importe comment, sans idée précise de ce qu'il veut montrer, et que c'est décidé au montage avec les plans à disposition. Lors de certaines séquences, il n'y a aucune logique dans l'utilisation de plans sur plusieurs personnages en caméra portée qui bouge selon les répliques, faisant entrer d'autres personnes dans le cadre, et le passage à des plans indépendants pour chaque personnage.
Le réalisateur ne prête même pas attention aux sautes d'axe, il y en a à foison. Et pourquoi ces plans sur le héros avec caméraman qui fait genre "je suis caché derrière un angle du mur !" ?
Je pense que ce film doit beaucoup à son monteur. Il pioche assez bien dans les prises de vues motivées par des choix étranges et imprécis tout en évitant les faux-raccord, il arrive à faire passer une action manquant de logique lorsque la serveuse du fast food, je ne sais comment, renverse tout un tas de plateaux sur la table des personnages principaux, et il coupe à mon avis un tas de choses inutiles, à en croire tous ces jump cuts.
Le montage est intéressant aussi par la disposition de ces images "Youtube", étalées entre des séquences dans le premier tiers de Rampage, présentant le personnage principal, qui y est muet jusqu'à environ 20mn de film ; ça intrigue.
Uwe Boll peut remercier cette phase de post-production puisque lui ne semble ne pas vraiment savoir ce qu'il veut. Après avoir vu dans les bonus de Tunnel rats qu'il faisait improviser les dialogues, je vais finir par croire qu'il fait ça dans tous les films où il est censé scénariser, celui-ci y compris. Je le pense d'autant plus que les conversations des personnages dans Rampage ne vont pas assez vite à l'essentiel, ça traîne un peu, et il arrive souvent que les paroles de plusieurs personnages s'emmêlent. Manque de cohérence à un moment, quand le héros, Bill, insiste pour que lui et son pote aillent bouffer au fast-food, et ensuite il se moque de leur repas...

J'ai ainsi été encore plus surpris quand Uwe Boll, dans ce film, s'est mis à faire de vrais choix de mise en scène. Enfin !
Le premier plan lorsque Bill se lance sur son massacre, c'est un plan serré sur ses yeux sous son masque. On entend son souffle et des bruits de tir, sans être tout à fait sûr qu'il court et shoote des gens, parce que le son est étouffé, rejoignant l'idée de ce cadrage qui isole le personnage et le sépare de son acte. C'est bien pensé, je suis fier d'Uwe pour le coup.
On retrouve une idée similaire lorsqu'on voit seulement Bill rentrer dans un restaurant, tirer, puis ressortir, sans avoir le contrechamp de ce qu'il visait ; on imagine simplement qu'il a tué pleins de gens.
Pour une fois Uwe paraît avoir un peu plus réfléchi à sa mise en scène, mais il y a toujours des idées un peu plus faciles, comme avec ces nombreuses infos à la radio faisant état de notre monde de façon négative, et qui reviennent de façon un peu trop insistante dans le film, à chaque fois lorsque Bill prépare ses méfaits.
Je me souviens de ce qu'avait dit Uwe Boll concernant ces plans s'attardant sur les cadavres dans le salon de coiffure, inversant l'effet des images de massacre du film pour dégouter, ou un truc comme ça... du bullshit pour se justifier auprès de ceux qui critiqueraient le film pour son exaltation de la violence.
Une fois qu'on s'est amusé à voir quelqu'un décimer la population de sa ville dans une armure résistante aux balles au look trop cool, on ne peut pas être rebuté s'il continue à semer la mort comme il le faisait jusque là.
Parce qu'il faut l'avouer, c'est fun à voir ! Le fait que le carnage soit filmé comme un jeu-vidéo participe à déréaliser et à rendre amusant le projet de Bill. Lorsque ce dernier abat quelqu'un qui conduit, ça m'a fait penser à mes parties de GTA San Andreas, et ce n'est pas un hasard si on peut lire "game over" sur le tas de bombe que le héros envoie dans un poste de police. Uwe Boll est un joueur aussi, c'est pour ça notamment qu'il a fait tant d'adaptations en films.
Ce film, Rampage, et les agissements de son protagoniste, c'est la réponse à tous ceux qui constatent qu'il y a trop de gens sur cette planète mais n'osent pas s'avouer quelle est la solution évidente, c'est la concrétisation sur pellicule d'un fantasme que l'on n'oserait même pas formuler.
Et le personnage de Bill le fait de façon drôle, il fait "piou piou piou" à la façon de Tommy Wiseau mais devant un tas de femmes apeurées, il se venge d'un mec qui lui a pas fait un bon café, ... C'est tellement absurde, mais c'est ça qui est bien, à ce moment-là c'est lui qui a le pouvoir, il peut faire ce qu'il veut, de façon totalement arbitraire, peu importe.

Pour la séquence du bingo, apparemment pour le tournage Boll aurait débarqué dans un lieu où les gens étaient vraiment comme ça, ils ne remarquaient rien ce qu'il se passait autour. C'est un de ces cas où la réalité dépasse la fiction, et cette situation placée dans le film, ça fait bizarre, mais ça sert assez bien l'idée que Bill n'a pas à tuer ces gens car ils sont déjà morts.
Un autre truc auquel Boll n'a peut-être pas pensé, c'est qu'il n'est pas logique que personne ne remarque que le fric que Bill a brûlé est faux, mais là aussi c'est pardonnable en tenant compte de l'idée que ça sert : Bill n'agit même pas pour servir un message contre la société de consommation, il fait semblant, et se barre lui-même avec un tas de billets verts.
En plus ce mec téléphone au volant !
Rampage a des défauts, mais c'est un film que je ne peux qu'aimer pour être aussi radical dans son idéologie subversive. Uwe Boll va jusqu'au bout, il ne fait aucun compromis ; je lui dirai merci à l'occasion, car c'est trop rare de voir ça.
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le 31 mai 2012

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Wykydtron IV

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