Au début des années 2000, alors que le scandale Rampart éclabousse tout le L.A.P.D., un filc de la vieille école (visiblement celle qui est bête, violente et raciste) se débat face à ses propres démons. Face à son comportement brutal, face à sa famille qui le rejette, face à sa hiérarchie qui n'a pas besoin d'un nouveau scandale, face à ses petits arrangements frauduleux, face à sa réputation.
Un personnage sur le fil du rasoir joué par Woody Harrelson et évoluant dans un scénario co-écrit par Mr James Ellroy, le romancier prolixe qui connait mieux le L.A.P.D. que Dudley Smith lui-même.
La note d'intention du projet émoustille immédiatement l'amateur de polar : le sujet, les talents, l'odeur de souffre... tout est là pour accoucher d'un grand drame policier. Pourtant le résultat peine vraiment à convaincre.
La faute à un film qui ne fait qu'effleurer ses nombreuses thématiques. Le scénario jette tout un tas d'amorces sur la piste : le scandale Rampart, la bavure, les activités parallèles, les difficultés sociales, la manipulation politique de la police... mais aucune de ces amorces ne sera exploité réellement, aucune n'aura de conclusion ou d'impact décisif sur le déroulement. D'ailleurs le film n'a pas véritablement d'intrigue, cette multitude de thématiques n'est là que pour former une épaisse toile de fond de laquelle il ne ressortira finalement rien. Dave Brown, le personnage principal, évolue dans ce marasme d'événements qui lui sont plus ou moins proches mais sans jamais donner l'impression d'aller quelque part. Il n'y a pas réellement de descente aux enfers (tout au plus un début qui restera lui aussi en suspens), ni de rédemption, ni de progression.
La caméra d'Oren Moverman reste collée aux basques de Dave Brown dans un style documentaire agressif (émaillé par quelques effets de style qui tombent à plat comme ce montage dyslexique de plans circulaires dans le bureau du procureur) et enchaîne des scènes à l'intérêt aléatoire. Un faux rythme décousu s'installe qui ne fait qu'amplifier l'incompréhension globale qui se dégage du métrage. Aux côtés de Dave Brown un casting impressionnant (Sigourney Weaver, Robin Wright, Ice Cube, Ben Foster, Steve Buscemi) traverse le film dans des apparitions souvent brèves, parfois inutiles, toujours sous-exploités. Dans ce qui ressemble à un récit décousu et confus un élément s'extirpe pourtant au dessus du reste : Woody Harrelson.
Aussi impressionnant dans ses élans de folies que désemparé dans ses moments de solitude l'acteur porte littéralement le film sur ses épaules. Il trimbale si bien la dégaine de Dave Brown qu'au fil des séquences disparates un lien fini par se tisser entre ce personnage antipathique et le spectateur. Sans doute grâce à la relation boiteuse qu'il entretient avec ses filles, probablement aussi paumées que le spectateur. Le film ne vise ni l'empathie ni la compréhension mais il arrive à dépeindre avec justesse un être humain dépassé par son époque. Le personnage est simplement là et il se débat comme une mouche dans une toile d'araignée ni plus, ni moins.
Rampart est un film dont on ne sait trop quoi penser, beaucoup de thèmes importants mais un traitement évasif, beaucoup d'acteurs connus mais des personnages embryonnaires, beaucoup d'intrigues mais aucun dénouement. Le film se pose comme une tranche de vie, parfois forte mais trop souvent frustrante tant la sensation de ne gratter que la surface est prégnante. Reste un Woody Harrelson incroyable et magnétique, probablement une de ses meilleure performance... dommage que ça ne soit pas forcément pour son meilleur rôle.