Parmi les thrillers des années 80 injustement tombés dans l'oubli, Randonnée pour un tueur (Shoot to kill) occupe une place de choix. Réalisé par Roger Spottiswoode, déjà réalisateur du Monstre du train (plagiat assumé d'Halloween) et surtout de Under Fire avec Nick Nolte, cet authentique polar montagnard offre la vedette à Sidney Poitier dans un de ses derniers grands rôles à l'écran. La star vieillissante, premier acteur de couleur à avoir gagné un oscar (pour son rôle de détective dans le film Dans la chaleur de la nuit), donnait ici la réplique à Tom Berenger, véritable étoile montante, après s'être fait remarquer pour son rôle du terrible sergent Barnes dans Platoon.


L'intrigue débute au cours d'une longue nuit à San Francisco. La police intervient sur l'effraction d'une bijouterie par son propre propriétaire. Désespéré, l'homme confie aux enquêteurs qu'un homme s'est introduit chez lui durant la nuit et qu'il menace la vie de son épouse s'il ne ramène pas les bijoux entreposés dans le coffre-fort de la bijouterie. Très vite, l'agent du FBI Warren Stantin (Sidney Poitier) est dépêché sur place. Alors que la police encercle nuitamment la maison du bijoutier où s'est barricadé le rançonneur, celui-ci, qui se présente au téléphone sous le nom de Steve, abat la domestique et n'accepte de négocier qu'avec Stantin. Contraint de lui livrer les diamants, l'agent du FBI voit bientôt le psychopathe lui échapper malgré le barrage tendu par la police. Les jours passent et Stantin reste obsédé par l'échec de l'opération et la fuite du tueur. Il reste convaincu que ce dernier va tenter de passer la frontière pour aller se réfugier au Canada. La seule façon pour lui de le faire est de passer par les régions montagneuses de l'état de Washington. Déterminé à le traquer, il découvre très vite que le tueur s'est mêlé à un groupe de sportifs, partis en randonnée dans la forêt avec leur guide Sarah (Kirstie Alley). Stantin va alors trouver Jonathan Knox (Tom Berenger), le compagnon de la jeune femme, pour qu'il l'aide à rattraper le groupe...


Fort d'une exposition prometteuse, Randonnée pour un tueur déroule une intrigue policière particulièrement addictive et bien écrite. La première bonne idée du film est de garder une distance mystérieuse avec le tueur, lequel n'hésite pas à assassiner ses otages pour prouver sa terrible détermination aux policiers. Psychopathe sans visage, dont on n'entend que la voix lente et profonde lors des appels que lui passent Stantin pour négocier, Steve se révèle très vite tout aussi retors qu'ingénieux. L'autre grande idée est d'avoir dilué l'identité du tueur dans un groupe de randonneurs. En découle un habile whodunit où le spectateur se perd un temps à essayer de deviner lequel des sympathiques sportifs est le terrible psychopathe. La tâche est ardue, d'autant que les membres du groupe sont interprétés par des acteurs ayant tous déjà incarnés des tueurs fous à l'écran (Andy Robinson fut le Scorpio de Dirty Harry, Clancy Brown le Kurgan de Highlander, Frederick Coffin joua Ike Koffin dans Mother's Day, Richard Masur était le meurtrier récurrent de plusieurs téléfilms). Le suspense se révèle efficace et il est regrettable que le scénario ne le fasse pas durer assez longtemps, Spottiswoode profitant d'une impressionnante scène au bord d'un ravin pour révéler au spectateur le visage de Steve.


Suite à la révélation de l'identité du tueur, le script commencera alors à montrer les limites de son suspense et s'intéressera bien plus au périple du duo Poitier-Berenger. Très loin des buddy movies alors à la mode à Hollywood, l'association des deux personnages n'encouragera jamais vraiment à un véritable attachement du spectateur, notamment en raison du jeu trop austère de Berenger et du peu d'alchimie qui se dégage du binôme. Non pas qu'on se fout des personnages, mais leur périple se heurte à celui, au départ plus intéressant, du psychopathe qu'ils traquent. L'humour lui, pointera son nez au détour de quelques scènes fugaces, notamment lors de ce face-à-face hilarant de Stantin avec l'élan, de la difficulté de l'enquêteur à se faire obéir par son cheval et même à travers la frilosité du tueur.


Relativement classique dans son déroulement mais regorgeant de très bonnes idées pas toujours très bien exploitées, Randonnée pour un tueur témoigne surtout d'une époque où le cinéma américain était en pleine mutation. Les actioners s'apprêtaient à monopoliser l'écran avec la sortie de Die Hard la même année, quand les films policiers ne s'articulaient plus qu'autour d'un duo de protagonistes contradictoires et souvent humoristique. A l'aune des ces critères, Shoot to Kill faisait office de polar old school, entièrement porté par le talent de ses comédiens, l'écriture de ses personnages et la réalisation appliquée d'un réalisateur aussi talentueux que conformiste, qui fit ses premières armes en tant qu'assistant de Peckinpah et scénariste de Walter Hill (Spottiswoode a écrit 48 heures). Un anachronisme cinématographique, auquel il n'est pas interdit de s'intéresser à nouveau, et qui donna lieu en 1998, à un remake officieux (La piste du tueur), tout aussi méconnu que son modèle.

Créée

le 1 mars 2020

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Buddy_Noone

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