Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’idée du projet de Ratatouille n’a pas émergé de la tête de Brad Bird, mais vient de Jan Pinkava. Même si son nom ne vous dit rien, ce n’est pas un novice puisque son court-métrage Geri’s Game a été récompensé de l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation en 1998. Cependant en 2005 Pixar décide de le remplacer par Brad Bird. Ce changement soudain intervient suite à la complexité de l'histoire imaginée par Pinkava : trop de personnages principaux et d'intrigues secondaires. Brad Bird reprend alors le projet en renforçant la relation Rémy-Linguini, et le personnage de Colette, alors faiblement utilisé. Il persuade néanmoins John Lasseter de garder le titre Ratatouille trouvé par Pinkava, car il sonne typiquement français tout en contenant le mot « rat ». De plus pour s’imprégner de l’ambiance de la capitale française, Brad Bird et une partie de son équipe visitent les monuments parisiens et mangent dans des restaurants chics de la capitale.
Pour commencer il est amusant de noter que Brad Bird aime raconter des histoires dans lesquelles les humains ont une place importante puisqu’après avoir traité du thème de la famille chez les super-héros, il décide d’étudier la relation entre un rat surdoué en cuisine (Remy) et un jeune garçon empoté qui n’a jamais mis les pieds dans une cuisine (Linguini). Tout au long du film on assiste à l’évolution de la relation entre les deux protagonistes, on a donc droit à des hauts et des bas dans leur relation puisqu’ils s’estiment chacun trahi par l’autre, tout au long du film. On peut remarquer que Brad Bird aime bien commencer ses films de manière spéciale, tout en posant les bases de son film puisqu’ici on a droit à une sorte de reportage T.V qui fait état de la situation du restaurant Gusteau et qui pose globalement le pitch principal de l’histoire : à savoir que pour Gusteau, tout le monde peut cuisiner mais que certaines personnes (comme Anton Ego) ne sont pas en accord avec ça. Une fois passé cette petite introduction, on a droit à un état de la situation dans laquelle se trouve Remy, c’est-à-dire qu’il ne sent pas vraiment à sa place dans sa famille et aspire donc à de nouvelles choses. Et c’est donc à partir de ce moment que les choses commencent à se mettre en place. L’histoire est vraiment une des choses qui me plait le plus dans ce film, puisque malgré son apparence simplicité, on peut voir à quel point Remy est tiraillé entre choisir sa famille (et ne pas décevoir son père) ou sa passion (rester avec Linguini, qui l’a quand même sauver d’une mort certaine), et je trouve que c’est vraiment bien retranscrit à l’écran. C’est incroyable l’émotion qui arrive à se dégager de ces deux personnages, ils nous font passer du rire à la tristesse en peu de temps.
Bref les personnages du film constituent vraiment un (autre) point fort de ce film, tant ils sont variés de par leur caractère et leur physique. Même les personnages secondaires comme les membres de la brigade du restaurant sont tous différents les uns des autres mais celle qui se dégage véritablement c’est Colette, seul personnage féminin du film qui se marie parfaitement au duo Remy-Linguini, par son caractère bien trempé et son charisme. Cependant les antagonistes ne sont pas en reste non plus, bien qu’un peu caricaturé comme Skinner, pas aidé par la nature et qui a des mimiques assez laides et désagréable et qui ne pense qu’aux profits : en se servant de la mort de Gusteau pour créer des gammes de produits surgelés afin d’exporter partout dans le monde. Il se comporte comme un petit tyran (il ne vous rappelle pas quelqu’un d’un précédent film de Brad Bird ??) L’autre élément frappant est qu’il refuse de suivre la devise de Gusteau qui dit qu’un bon plat comporte toujours un élément inattendu… Pour ma part j’ai préféré le deuxième antagoniste : Anton Ego que je trouve beaucoup plus « badass » de par son aspect et par le charisme qu’il dégage (mention spéciale à Bernard Tiphaine qui le double d’une redoutable justesse). Il est pour moi LA bonne surprise du film. Ainsi le fait que son corps soit si maigre est justifié par une phrase qu’il prononce lui-même « Je recrache tout ce que je n’aime pas ». Ces deux seuls éléments montrent tout de suite à qui aura affaire Linguini (euh Remy)… Je crois que c’est aussi le seul « antagoniste » Pixar à « changer », après sa défaite, au moment où il se met à re-aimer la cuisine, et c’est ça c’est encore quelque chose de nouveau chez Pixar.
Je ne pourrais pas faire cette critique sans évoquer les décors de la ville de Paris qui sont somptueux, on sent que Brad Bird a voulu donner à la ville une vision « romantique » et qu’il y a une véritable mise en scène, comme le fait que Linguini soit à vélo sur le pont de Paris en pleine nuit, ou encore les bateaux-mouches où l’on peut voir deux amoureux assis à une table. J’aurais aussi pu citer Colette et Linguini qui s’embrassent fougueusement avant de partir ensemble sur le même scooter. Bref rien n’est laissé au hasard, comme par exemple le fait que la vue en plongée de la pièce où Anton Ego écrit ses critiques assassines a une forme de… cercueil. On peut regretter quelques caricatures avec la présence de quelques 2 CV mais c’est quand même plutôt mineur. Bref une fois n’est pas coutume, Pixar montre qu’avec ce film, ils sont en avance sur leurs concurrents, il n’y a qu’à voir le sens du détail des aliments (on arrive à voir la texture, comme la Ratatouille à la fin), des rues, de la cuisine, des rats et même des humains, puisque Pixar n’en utilisent pas si souvent que ça et leur rendu n’est pas toujours optimal mais ici ils ont encore franchi une étape depuis Les Indestructibles, on sent que le rendu est meilleur et les personnages s’en retrouvent moins caricaturés que dans leurs précédents métrages. Pour terminer, je parlerais de la musique de Michael Giacchino, ce dernier livre l’une de ses meilleures performances magnifiées par quelques thèmes comme le très beau « Ratatouille Main Theme », l’inspirant « Anyone Can Cook » sur laquelle Anton Ego nous gratifie d’un très beau message sur le fait qu’un talent peut émerger de n’importe où et enfin le très rythmé « Souped Up », sur laquelle Remy corrige la sauce de Linguini, le tout sur un magnifique solo de saxophone !
Avec leur huitième long-métrage, les studios Pixar continuent sereinement leur route vers les sommets puisqu’ils nous livrent une œuvre profondément poétique, saupoudré de romantisme, relevé avec une pointe d’humour afin de former un savoureux mélange de fantaisie et d’émotion.
A déguster sans modération pour petits et grands !