Steven Spielberg, c’est un peu notre papa à tous. C’est lui le premier et le plus grand de tous les pères fondateurs de la culture pop au sens général, pour ne pas la restreindre au simple terme de « geek ». C’est pour ses films qu’on inventera le terme de « Blockbuster », et lui qui participa à faire de la SF ce qu’elle est aujourd’hui. Comment un autre que lui aurait-il pu mettre la main sur un pari aussi fou, osé et risqué que ce Ready Player One ? Si ce film est ce qu’il est au final, c’est à lui qu’on le doit.
Ready Player One donc. Que l’on pourrait également connaitre comme ma plus grande espérance de ce début d’année, est un film qui a cristallisé les attentes pendant un long moment. Tout le monde y pensait, tout le monde en rêvait, mais personne n’osait vraiment espérer. Réaliser une œuvre aussi complexe que ce bilan des trente dernières années de culture populaire, c’était une chose hasardeuse, même pour un roi tel que Spielberg, dans cet empire qu’est le cinéma. Mais j’y ai cru. Jusqu’au bout ma confiance n’a pas failli, et j’ai fait le choix de prendre la meilleure salle que j’avais sous la main pour me mettre dans les meilleures conditions possibles, afin d’apprécier à sa juste valeur ce que j’espérais être un monstre visuel et sonore.
Finalement, qu’en était-il ? Avais-je raison de garder espoir ? Eh bien figurez vous que notre roi est loin d’être mort, et qu’il nous hurle son champ de guerre : voilà ce qu’est du cinéma, voilà ce qu’est un divertissement. Voilà comment on se plonge dans un autre monde, de l’autre coté de l’écran de cinéma. Voilà le parallèle entre le réel et l’irréel, car Spielberg n’a pas fait dans la demi-mesure, et nous a plongé dans son film, avec autant d’aisance que son protagoniste plonge dans l’Oasis.
Ready Player One, c’est l’histoire d’un bilan. On regarde derrière nous, et on observe ce que l’on y trouve, que cela nous convienne ou non. De la même manière qu’Halliday lance la grande quête de son passé, sous la forme d’une chasse à l’œuf monumentale, il est de notre devoir de regarder notre passé, au travers de la myriade de références qui nous est proposé, tout autant pour flatter notre rétine que pour nous mettre face à notre inculture. C’est en visionnant ce film que l’on prend conscience de la vaste majorité des références restant voilées à notre regard. Dans cette œuvre, tout le monde fait le point, et met sa vie sur pause, le temps d’une seconde. Vous, moi, Wade, Steven… Il est temps de regarder par le trou de la serrure, et d’apprécier ou non, ce que l’on y verra.
Ready Player One, c’est l’histoire d’une myriade de monde et d’une croisade sans pitié pour une victoire toute simple et égoïste. L’appât du gain causant cet aspect manichéen qui sous-tendra l’œuvre dans son intégralité, comme un reflet laissant miroiter toutes ces productions du Septième Art, plus manichéennes les unes que les autres. Nous sommes déjà passé par là, ce bilan en est la preuve. A travers une trame narrative classique mais diablement efficace, le roi des réalisateurs nous place face à nous même, et à tant de films déjà vus par le passé. Cette histoire, c’est celle de notre génération, dont Amblin est le héraut. Rarement j’ai vu tant d’idées aussi bien agencées, répartit sur une durée aussi bien exploitée, pour en extraire un contenu aussi précis qu’efficace. Car en plus de se targuer d’un demi-million de bonnes morales, et de nous obliger à faire le point avec nous-même, Spielberg ne lésine jamais sur la qualité et sur la générosité face à son publique d’ores et déjà conquis.
Ready Player One, c’est l’histoire de deux heures jubilatoires et frôlant bien souvent la perfection. On peu reprocher au produit final de manquer d’un soupçon de rythme et de démesure par moment (bien qu’usant à chaque instant d’une « grandeur » digne des plus belles productions de ces vingt dernières années), de n’être pas toujours très net dans certaines scènes, et de sous-employer le rôle de la musique, qui conserve une place secondaire par rapport au livre de Cline. Alan Silvestri propose une interprétation musicale efficace mais manquant d’un soupçon de thèmes marquant, pourtant fondement de toute œuvre se voulant culte, et il suffit de se rappeler sa performance dans la trilogie mère de Zemeckis pour s’en convaincre.
Du reste, quel que soit l’aspect prit indépendamment, l’œuvre frise la perfection. Débutant rapidement, mais prenant ensuite tout son temps pour décrire et faire évoluer actions et personnages, le film ne manque ni d’humour, ni de bravoure, ni d’actions grandioses. Scénarisé d’une main de maitre par Ernest Cline, créateur du roman initial, les quelques transgressions au produit d’origines sont pour la plupart bénignes et totalement concevable du changement de support. Adapté tout en faisant les bonnes concessions et une chose rare, que j’applaudis ici. Du reste, il convient de féliciter le casting et l’équipe technique, pour la prouesse d’une motion capture aux petits oignons, dosée à un niveau de détails chirurgical, et prouvant que l’alliance de la technologie avec ce que les eighties ont de mieux à proposer, est un compromis que l’on risque de redemander à cor et à cri dans les années à venir.
En bref, Ready Player One est le grand film que tout le monde voulait voir, sans non plus trop l’espérer. Mais par chance, Steven Spielberg est parmi nous, et souhaite prouver au monde qu’il y est encore pour un bon bout de temps.
Longue vie au roi