Que dire ?
Que dire à part "C'est génial !"
Que dire à part : "Il faut y aller putain !
Que dire à part : "Wouha !"
Un petit "Merci Steven ?" Certainement.
Car Ready Player One, c'était un fantasme absolu et, en même temps, une certaine forme de crainte. Celle que la nostalgie ne déborde et confine au fan service. Celle d'un rétro à bon marché parce qu'on n'a plus d'idées neuves et qu'après Stranger Things, Ça ou encore Super 8, on continue parce que mine de rien, ça rapporte.
Behind était donc autant inquiet qu'impatient, au moment de mettre ses lunettes 3D sur son petit nez, même si elles tombent tout le temps à cause du masque. Sauf que dès les premières secondes du film, on comprend que les clins d'oeils appuyés et autres tapes sur l'épaule, comme pour dire "tiens, tu l'as vu ma référence, là ? C'est cool hein !", Spielberg va les écarter. Le temps d'un plan, une première salve contre l'isolement numérique, le long de la descente d'une des piles vues dans la bande annonce.
Et Steven d'embrasser, juste après, comme pour excuser cette addiction, l'ensemble des codes et du pouvoir d'attraction des mondes numériques, sans autres frontière que celle de l'imagination... Mais pourtant remplis de nos icônes culturelles, des figures pop les plus immortelles, de l'ensemble des images que l'inconscient collectif retient.
Sauf que Ready Player One transcende un pur gang bang geek au profit de sa cinétique, ultra spectaculaire et immersive en 3D (indispensable) et du respect total du matériau brassé en permanence. les références seront nombreuses, oui. Celui qui les traquera sera ravi. Mais il passera à côté d'un merveilleux film, parmi les meilleurs que Spielberg a pu enfanter. Il passera à côté d'un spectacle purement sensitif et impressionnant dès qu'il s'aventure dans ce monde incroyable, melting pot pop revisité de manière sidérante, qui donne une sacrée envie, dans le bon sens, de remettre dans son lecteur les classiques adaptés une fois sortis de la salle.
On sent que dans ce monde, Spielberg s'en donne à coeur joie, en proposant au spectateur ce qui l'a fait rêver, l'esprit préservé d'une culture puzzle et métissée, sans pour autant confiner à l'exploitation cynique d'une entreprise faiblarde. Les références aux mondes numériques sont légions, quant au cinéma ou encore à la musique, même topo. Spielberg en profite pour exécuter des scènes parmi les plus belles de sa filmographie, d'une séquence de danse des plus aériennes et séduisantes, il nous jette soudain en plein revival ludique et angoissant, dans un labyrinthe neigeux s'ouvrant finalement dans une salle de bal où romantisme et fantastique se confondent.
La structure même du film, entre réalité et évasion vers d'autres mondes renvoie, par aspects aspects, au sublime Avatar, comme si Steven voulait challenger James sur son propre terrain. Et le pire, c'est qu'il y réussit, tout en restant lui-même.
Ready Player One semble au premier abord conçu comme une bête à Comic Con, uniquement adressé au geek extatique. Il aura raison de l'être. Mais le film, non content d'amalgamer de manière magique ses références, s'impose comme un maxi best of du cinéaste. De E.T. L'Extra-Terreste à Minority Report, d'Indiana Jones ou Jurassic Park à La Guerre des Mondes, de Amblin à DreamWorks, il convoque tout cela et plus encore pour, non pas se réinventer, mais se redécouvrir. Il y parle d'isolement et d'asservissement. Il parle des relations humaines et donne de l'aventure en veux-tu en voilà. Son discours, souvent qualifié de naïf (à tort) se retrouve aussi : simple, touchant, vrai et généreux.
Spielberg est toujours aussi humain, malgré les oripeaux numériques de ce Ready Player One qui frôle le perfect. Son esprit est là, loin d'être vampirisé par ce qui aurait pu n'être qu'un vulgaire fourre-tout lourd et impersonnel. Tout en posant dans le même temps un regard étrange sur le réflexe nostalgique et l'évasion dans les mondes imaginaires, lui qui en est pourtant l'un des chantres. Ainsi, les regrets et les remords d'un des personnages clé de l'aventure sont prégnants et prennent le spectateur au coeur, dans une émotion palpable. Il fait écho à une actualité faite de geekosphère, d'univers partagés et de rachats de catalogues de géants de l'entertainment, ou encore de doux rêveurs confrontés à la réalité économique.
Ready Player One, c'est tout cela et plus encore.
Vous entendrez sans doute les éternels bougons hurler que Spielberg est toujours aussi "niais" dans son propos. Mais serait-il Spielberg sans ce supposé défaut à leurs yeux ?
Comme pour faire écho à sa séquence inaugurale, Spielberg rappelle que le terme interaction n'est pas seulement réservé au numérique. L'interaction, c'est aussi le monde réel, en franchissant le pas et en sortant de l'isolement. Car l'interaction, c'est aussi partager : ce qui nous anime, sa nostalgie, un contact, un baiser. Nul besoin de se cacher derrière un avatar pour cela.
Cela me donnerait presque envie de tomber le masque, pour le coup...
Behind_the_Mask, virtual boy.