Schizophrénie annoncée de notre mode d'existence futur ?

Ready Player One est de ces films au sortir desquels je me sens contraint de tenter d'écrire une critique qui aille au delà d'un simple ressenti hyperboliquement exprimé à grands coups de "magique", "magistral", "époustouflant" ou "sensationnel".
Même si Spielberg est considéré depuis longtemps comme le roi du divertissement hollywoodien, son tout dernier opus est quand même un film d'anticipation qui, loin d'être absolument irréaliste et farfelu, imagine un futur plutôt proche (2045) qui pourrait être assez semblable à ce que nous vivrons alors. Le film met en scène le mode de vie schizophrénique des Terriens des années 2040-2050 qui, pour échapper à la mesquine et lugubre réalité de leur vie quotidienne, passent le plus clair de leurs journées en mode virtuel, le casque VR sur la tête, dans un monde parallèle merveilleux où tout ou presque devient possible à leurs avatars respectifs (dont ils peuvent changer comme on change chez le coiffeur de couleur de cheveux). Pour accéder à ce monde virtuel, il suffit de se connecter, via son casque VR, à un jeu vidéo multi-joueur d'échelle mondiale appelé Oasis. Quand on retire son casque VR, on retombe dans la triste réalité de 2045 : un monde surpeuplé, inégalitaire et au bord du chaos. D'où le planétaire succès du jeu Oasis. D'autant plus que, juste avant de décéder, son inventeur et propriétaire, James Halliday a caché dans son Oasis un Oeuf de Pâques numérique et annoncé qu'il léguait toute sa fortune (et les commandes de son jeu) au joueur qui réussirait à trouver cet Oeuf. Voici cinq ans que cette chasse à l'Oeuf quotidienne a démarré et personne ne l'a encore trouvé, ni même une seule des trois clés (et trois indices associés) nécessaires à sa découverte. Parmi tous les participants, il y a maintenant Wade, 18 ans, un orphelin vivant chez sa tante Alice, dans un quartier pauvre : "Les Piles" de Columbus (Ohio), la ville pourtant la plus florissante au monde puisqu'elle abrite le siège social du groupe fondé par Halliday (aidé d'un ami alors très cher Ogden Morrow). Quand il se connecte à Oasis, Wade devient Parzival (son pseudo et double virtuel). Les 4 ados qui progressivement vont constituer son clan et lui prêter main forte dans la conquête de l'Oeuf de Pâques, ont comme pseudos et doubles virtuels Aech (grand pote de Parzival), Art3mis (Parzival en tombe amoureux), Daito (l'autre pote d'Aech) et Sho (l'autre pote de Daito), et cela sans que Wade / Parzival (et nous-mêmes) sachions, pendant une bonne partie du film, à qui ils correspondent dans le monde réel.


Vous pouvez faire confiance au savoir-faire scénaristique et technique de Spielberg (aidé de ses équipes) pour que les incessants allers et retours entre monde réel et monde virtuel soient parfaitement huilés, parfaitement enthousiasmants, drôles et pleins de surprises. On peut dire sans exagération qu'il y a de grands moments dans la quête et conquête successives des 3 clés donnant accès à l'Oeuf qui rendra multi-milliardaire celui (ou le clan ?) qui le trouvera.
Comptez aussi sur le sens de la mise en scène du maître hollywoodien pour organiser un final qui éberluera les plus blasés. Dans la dernière demi-heure, il se passe tellement de choses à l'écran qu'on en manque forcément certaines quand on est en plan large (on ne sait plus où donner de la tête et des yeux). Mais si on a une carte d'abonnement, rien n'empêche de s'offrir une deuxième vision.


Manque-t-il quelque chose à cette débauche de créativité et de culture pop, à ce foisonnement d'inventions visuelles, à cette accumulation de talents divers ? Peut-être seulement un peu d'émotion quand il en faudrait. Ainsi, l'histoire d'amour entre Wade/Parzival et Samantha/Art3mis paraît assez convenue, manque de réalité et ne nous touche que modérément. C'est sans doute un des rares défauts du film qui, autrement, est une nouvelle et éclatante réussite de Spielberg le Magnifique.


P.S. Si vous voulez vivre une histoire d'amour pleine d'émotion au cinéma, regardez La Fille à la valise (1961) de Zurlini. Là il se passe quelque chose de vrai à l'écran, là on ressent l'amour (avec ou sans guillemets) qu'éprouve le jeune homme de seize ans (joué par Jacques Perrin) pour cette jeune femme de vingt, vingt-deux "à la valise" (jouée par Claudia Cardinale) et si vous n'êtes pas ému lorsque, en presque fin de film, leurs lèvres finissent par s'effleurer puis se joindre, alors vous pouvez en être sûr, vous avez un coeur de pierre.

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le 2 avr. 2018

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Fleming

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