J'ai attendu la sortie de Ready Player One avec beaucoup d'impatience. La bande-annonce m'avait bien alléchée. D'un côté, Steven Spielberg aux commandes. De l'autre, une idée de départ sacrément bandante: un univers alternatif avec avatars, faux-semblants et jeux de piste dans des décors éblouissants. Moi qui ai toujours adoré les films basculant entre plusieurs réalités (Totall Recall, La Rose pourpre du Caire, Le magnifique, Last Action Hero... font partie de mes films préférés), j'étais impatiente de voir le résultat. Et cerise sur le gâteau, la promesse d’innombrables références à la pop-culture. Vraiment, j'étais prête à être décoiffée sur mon siège, ou au moins à être agréablement emportée dans un tourbillon d'émotions pendant le visionnage.
Et bien, c'est quoi l'adage déjà? " Plus l'espérance est grande, plus la déception est violente. "? Voilà, c'est çà...
Alors, avant de pleurer, il faut bien que je reconnaisse certains faits indéniables. Je reconnais que Spielberg est un très bon réalisateur. Je reconnais que Ready Player One contient bien d’innombrables références, plus ou moins appuyées, aux années 80 que j'adore. Je reconnais que les effets spéciaux sont géniaux. Mais les effets spéciaux ne font pas un film. Ce qui fait un film pour moi, c'est son "âme", son histoire, la "colle" qui relie les scènes entre elles et qui fait qu'on y croit et qu'on s'attache aux personnages. Bref, c'est le scénario. Et dans Ready Player One, côté scénario, c'est la cata, le néant, le vide intersidéral, ou plus tristement, le grand foutage de gueule.
Le scénario de Ready Player One, c'est ce constat désolant: zéro retournement de situation en 2h20... Pour un film qui parle de réalité virtuelle, d’avatars, d’inventeur mégalo et de complots, c’est un comble ! Ici, les gentils sont gentils, les méchants sont méchants et les cochons sont bien gardés. Et devinez qui trouve l'Oeuf à la fin?
L'absence de créativité scénaristique se reflète parfaitement pour moi par le choix des avatars. Le gentil garçon a un avatar de gentil garçon, l'avatar de la jolie jeune fille est une jolie jeune fille, l'avatar du méchant a une bonne tête de méchant, l'avatar du vieux sage est un vieux sage, les avatars des asiatiques sont asiatiques… Mais sérieux... Il arrive quand l'élément de surprise? Ben jamais. A la place, on se balade gentiment en commentant les images: Tiens, c'est joli çà! Oh, la belle référence à Tron. Super, la scène qui reprend Shining. On est un peu comme dans un supermarché ou à Disneyland, on fait les attractions les unes après les autres et tout se déroule sans surprise.
A priori, les films Hollywoodiens n'ont plus vocation à nous raconter une histoire mais juste à délivrer un produit bien calibré remplissant le cahier des charges. Là, on est clairement sur le produit "film pour adolescents". Le scrip est copié-collé sur celui d'Hunger Games, Divergente, Labyrinthe, Mortal Engines, etc. Comme à chaque fois, un groupe de jeunes adolescents mal dans leur peau qui se sentent opprimés va se rebeller contre un gros méchant adulte capitaliste dont le seul but dans la vie est de se faire du fric et d’opprimer les jeunes adolescents mal dans leur peau (et y'a des chinois en second plan qui sont hyper-cools car la Chine a mis des sous dans le film). Dans la vraie vie, j'ai plutôt l'impression que c'est le gros méchant capitaliste qui gagne et qu'il est producteur à Hollywood (et qu'il a enterré le dernier scénariste proposant une idée originale il y a 20 ans au fin fond du désert américain, parce que Oh mon dieu! Une idée originale, çà pourrait ne pas marcher!, et qu'il prend les consomma... pardon, les spectateurs un peu pour des cons).
Dans Ready Player One, le scénario insipide parle de personnages insipides aux motivations floues (je n'ai toujours pas bien compris à la fin du film si jouer aux jeux vidéos en laissant sa planète partir en couilles, c'est finalement une bonne chose ou pas?). Personnages joués par des acteurs au charisme équivalent à un mollusque aquatique neurasthénique flottant mollement dans son jus. Et je n'ai rien contre ces pauvres jeunes acteurs qui font sans doute ce qu'ils peuvent avec leurs trois répliques bidons, mais bon, j'ai déjà oublié leurs visages et leurs noms (alors qu'à une époque, les ados tourmentés et rebelles, c'était James Dean...).
Donc, oui j'ai été déçue, terriblement déçue par le visionnage du film. D'autant plus que j'avais bon espoir d'être enfin agréablement surprise par un film actuel. Finalement, Ready Player One me conforte un peu plus dans mon sentiment de vieille réac du cinéma: c'était mieux avant..
Pour étoffer mon propos et ne pas juste passer pour la radoteuse aigrie qui trouve que tous les films antérieurs à 1990 étaient plus réussis (car oui, je situe très précisément le déclin du cinéma occidental aux années 90), je citerais le film Wargame de John Badham avec Matthew Broderick, sorti en 1983. Pourquoi parler de ce film dans une critique de Ready Player One? Car la trame de ses deux films est très similaire: un jeune surdoué de l’informatique plonge au cœur d’un jeu plus grand que nature, enquête sur l’inventeur du jeu pour réussir à surmonter les épreuves et finit par gagner en jouant au morpion. Or je trouve que Wargame possède toutes les qualités qui manquent au film de Spielberg. Le scénario est inventif et astucieux. Tous les personnages, même secondaires, sont étoffés. Avec une mention spéciale à la copine du héros qui est franchement badass (elle est intelligente, sportive et soutient Matthew Broderick qui aurait bien du mal à sauver le monde sans ses conseils). En prime, la fin du film nous offre une jolie réflexion sur l’humanité, la guerre froide et l’intelligence artificielle. Le film m'a scotché jusqu'au bout et pourtant, comme il est sorti en 1983, il n’y a pas de réalité virtuelle, juste des mecs qui tapent des lignes de code sur des ordis plus gros que ta machine à laver. Alors peut-être que oui, une histoire intelligente, çà peut faire un meilleur film que des effets spéciaux qui en mettent plein les yeux.
Bref, pour conclure, Ready Player One m'a prouvé qu'un bon réalisateur, une bonne idée de départ et tout plein de fric pour le budget CGI ne suffisent pas pour faire un bon film. Comme quoi, il y aura au moins une chose de surprenante avec ce film !