Real Life n'est sans doute pas le premier film satirique à critiquer les dérives de la télé, mais dans le registre de la comédie déboulonnant la téléréalité avant l'heure, il pourrait bien faire office de jalon temporel. Albert Brooks, devant et derrière la caméra, se met en scène dans ce qui est présenté comme une immersion au plus près d'une famille américaine "typique", suivant l'essentiel de leur vie en pleine violation de leur intimité. En 1979, cet OFNI entendait aborder sous un angle comico-critique une expérience qui avait déjà été tentée, en 1973, dans la série américaine An American Family (et dans laquelle Baudrillard y avait vu "la dissolution de la télévision dans la vie et la dissolution de la vie dans la télévision").
Le principal ressort comique du film, usé jusqu'à la corde, c'est le paradoxe constant (et poussif) entre d'un côté les prétentions du projet, vendu aux participants comme un documentaire immersif parfaitement réaliste et naturel, respectant les volontés de la famille (choisie au terme d'une batterie de tests intensifs), et de l'autre sa réalisation, avec son torrent de pragmatisme télévisuel, qui voit Albert Brooks constamment interférer avec le cours naturel des choses. Il fait le portrait d'un réalisateur éminemment narcissique, toujours prêt à se mettre en scène, très (passif) agressif et intrusif dans sa façon d'inviter les différents intervenants à se comporter de telle ou telle manière, à les contrôler dans leurs mouvements.
Le film ne joue pas uniquement sur ces aspects-là, en jouant régulièrement sur le fait que la famille ne renvoie pas toujours l'image qu'elle souhaiterait renvoyer : le père de famille qui est gêné que femme et enfants ne se comportent pas convenablement à table (pas comme d'habitude, bien sûr !), la fille qui veut faire la star devant la caméra, la femme qui flirte avec le réalisateur, etc. Tout le dispositif de mise en scène est révélé au début du film, en racontant avec une exagération très appuyée la technologie "très scientifique" (avec des psychologues pour le suivi de la famille) mise en œuvre pour capter les moindres faits et gestes de la famille, avec capteurs de température déclenchant automatiquement certaines caméras, et d'autres caméras "à la pointe de la technologie" ressemblant à un R2D2 que les caméramen portent sur leurs têtes.
La satire est souvent poussive dans le burlesque et le parodique, mais on peut difficilement lui nier ce côté prophétique en matière de voyeurisme télévisuel. D'une pierre deux coups, Real Life donne un aperçu de la téléréalité et de sa critique dans un même mouvement annonciateur.
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