Après une série de négations (Nonfilm, Wrong, Wrong Cops), le titre du nouveau film de Dupieux n'a jamais semblé aussi affirmatif. Pourtant, il faut la chercher pour la trouver cette réalité dans un film où l’emboîtement des rêves efface complètement les frontières entre réel, rêves et fictions. Quentin Dupieux s'amuse à faire croire que ses films ont un sens lorsqu'ils n'en ont aucun (le non-sens culminait déjà dans Wrong Cops). Et c'est justement délivrée d'un sens propre qu'une œuvre d'art laisse place aux interprétations les plus folles. Ici, chacun y trouvera son morceau de réalité au milieu de cet amas onirique.
Ce n'est pas le seul point commun entre l’œuvre de David Lynch et celle de Dupieux. Outre leur goût commun pour la musique, comme Lynch, Dupieux s'avère, et plus que jamais dans Réalité, un réalisateur formel hors pair. En cinq films sa signature est clairement identifiée : une petite ville américaine perdue dans un état boisé, des couleurs flirtant entre le marron et le gris et des visages étranges aux personnalités extravagantes. En entrant dans le monde de Dupieux on accepte de s'engouffrer dans une sorte de nonsense world qui rappelle celui de nos rêves. Comme celui de Jason qui se voit déjà honoré d'un oscar pour son gémissement et qui, en ''réalité'' endormi affalé dans son siège de voiture, ne réussit pas à se lever pour récupérer sa statuette dans son rêve. Un songe évident émanant probablement d'un monde déjà imaginaire moins apparent. Le doute est persistant, Réalité ne dévoile jamais... sa réalité.
Dupieux fascine autant que Lynch alors même qu'il nous laisse paumé au milieu d'une route sans roue de secours, à peine un pneu. Mais celui-ci a le mérite de nous faire rire. L'humour absurde atteint ici son paroxysme dont les figures géniales d'Alain Chabat et de Jonathan Lambert incarnent à la perfection.