Cinq films en 17 ans, on ne peut pas dire que Jeremy Saulnier soit quelqu’un qui travaille dans l’urgence. Et en même temps, c’est à l’image de ces films, qui prennent le temps pour raconter ce qu’ils ont à raconter. Blue Ruin étire son action pour faire ressentir l’attente de ses personnages, et Hold the Dark distille (trop) sa tension dans la léthargie polaire. Green Room à contrario accélère le rythme, faisant ressentir l’urgence de la situation au spectateur comme à ses personnages.
Rebel Ridge se place dans la première catégorie, en adoptant le parti pris d’un slowburn qui n’éclate jamais, suivant son protagoniste Terry alors qu’il résout la situation sans effusion. Un rythme posé, une caméra posée, pour un personnage posé. Tant et si bien que le spectateur pourrait presque sentir une forme de frustration, trop habitué qu’il est à voir les ordures présentées ici se faire ramoner brutalement. Mais Rebel Ridge n’est pas ce genre de film. Pas de catharsis par la violence.
Non, il fait un constat tristement amère sur les abus de pouvoir que la législation américaine permet. Sur le délit de faciès qui tend la société, sur les financements qui partent sans que de palliatifs soient mis en place ou que le système fédéral soit repensé. Sur la corruption qui s’impose d’elle-même, recours le plus logique qui ne saurait disparaître. Terry, au même titre que le cinéaste, conscientise cette absurdité et préfère prendre la voie qui ne le foutera pas dedans plus qu’il ne l’est déjà. Car peut-être est-il possible de changer les choses en jouant le jeu selon ses règles, plutôt que d’envoyer tout valdinguer. Un imbroglio Rambo-esque dénoué par des doigts de fée.
Un parti-pris radical dans son contre pied de l’actioner. Un expert certifié en tatanes qui ne dérouille pas à tour de bras. Un réalisateur qui continue de creuser son petit bonhomme de chemin, sans se presser.