A peine installés, vous n'avez pas le temps de chercher la meilleure position sur votre siège, l'histoire de Komona vous saute aux yeux. La jeune fille, kidnappée à l'âge de douze ans, engagée de force dans les milices rebelles, raconte à l'enfant qui grandit dans son ventre "l'histoire de sa vie" dans l'armée des guerriers rebelles d'un pays d'Afrique Centrale. Rien ne nous échappe, rien nous est destiné explicitement et pourtant, la voix de Komona (Rachel Mwanza), les séquences d'une violence inouï ou les moments qui laissent entendre et approcher l'espoir, vont nous amener progressivement à entrer dans cette logique de guerre, dans cette stratégie à la fois grossière et fine qui nous fait dérouler le fil qui permet de comprendre et d'expliquer comment une telle barbarie est possible.
En réalité, les gosses, c'est l'arme la moins chère. Un gosse ça vous rapporte et vous coûte peu. Vous le prenez où vous voulez, tant qu'il est utile on l'utilise, quand il ne marche plus ou qu'il tombe malade un coup de Kalachnikov suffit et d'autres sont à la porte pour prendre sa place.
Bien sûr les choses sont plus complexes que cela et l'histoire de Komona va se dérouler différemment. Elle n'est pas tuée mais tue, et apprend aussi à utiliser la machette. Perd ses parents, son amoureux, le Magicien, le garçon de 15 ans qui l'épouse car il réussi à trouver un coq blanc. Il y laissera sa vie mais leur enfant naîtra et on sent comme un espoir, douloureux mais l'espérance que Komona aura su vaincre cet horreur, ayant pu enterrer le symbole de ses parents qu'elle avait dû tuer..
Admirable film, qui nous laisse (m'a laissé en tout cas) submergé, -suffoqué-, constatant comme une évidence que nous ne sommes pas innocents. Ce sont nos pays riches qui entretiennent avec leurs industries florissantes de l'armement et assistons dans nos banlieues à l'enroulement de jeunes victimes de toute manipulation et de tout fanatisme. On ne sait pas contre qui ou pour qui on se bat, mais on sait que l'arme à la main on doit tirer pour sauver sa peau, en fait pour sauver celle de ceux qui commanditent les enfants-soldats.
Dans le débat à la fin de la projection, avec la Défenseur des Enfants, était présente Renate Winter, membre du comité de l'enfant de l'ONU, qui a parlé de son expérience de Magistrat, pendant onze ans en Sierra Leone. Son témoignage sur le presque indicible du terrible cauchemar, bien réel, vécu par les 10 mil enfants-soldats, dans un pays qui compte 4 millions d'habitants, des milliers d'enfants mutilés, a sidéré les spectateurs qui s'interrogeaient comment faire pour ramener à l'humanité ces victimes que la guerre n'a pas tué...
* * * Film de Kim Nguyen, Québec, tourné à Kinshasa, sorti en 2012. Il a eu plusieurs distinctions, notamment au Vancouver Film Critics Circle, meilleur film canadien.
http://blogs.mediapart.fr/blog/arthur-porto/051114/quelle-connerie-la-guerre