Signé par un obscur artisan, ce polar ne manque pourtant pas d'intérêt et de charme grâce en bonne partie à ses comédiens et son scénario, co-écrit par Emeric Pressbuger. Je ne sais pas si ça vient de lui ou non (il y a 2-3 autres personnes créditées) mais il y a plein de petites bonnes idées dans ce script avec en premier lieu quelques touches sociales sur l'Angleterre d'après-guerre. Des petits détails en arrière-plan (comme un figurant récupérant des reste d'un repas abandonnés, des scènes dans le métro ou dans le bus, des dialogues bien sentis) qui servent autant de "gags" que de valeurs rajoutés qui consolident l'originalité du script. On devine une volonté de sortir des conventions du "London Gothique" et expressionnistes. On échappe ainsi aux sordides ruelles nocturnes pour des extérieurs comme celui de Hyde Park où prend place le final avec son escapade en barque et sur une petite île isolée.
Et il y a donc les personnages, vivant et attachant, même le méchant qu'on parvient à prendre en pitié par son écriture névrotique. C'est Eric Portman qui l’interprète à merveille pour réussir à lui donner de l'épaisseur.
La réalisation est moins marquante mais se révèle plaisante sans arriver à égaler le niveau de l'ouverture se déroulant lors d'une grouillante fête foraine avec de très longs travellings au milieu de la foule (j'ai cru voir au générique qu'elle était du fait d'un autre cinéaste). Dans l'ensemble c'est honnête, avec une photographie tout à fait décente mais sans génie aussi. On va dire que le découpage et la caméra manquent un peu de punch et d'impact à part dans les séquences où Portman est pris de fièvre meurtrière dans sa chambre. Mais ça colle bien avec la nonchalance "So british" et l'atmosphère du scénario.
Toujours est-il que la traque final possède un indéniable suspens qui le rattache à Hitchcock, sur une note évidement mineure.